Photo : ©Hansjörg Keller

Propos recueillis par : Maxime Hoffmann

Le 2 mai 2022, le Conseil national suisse a invité huit chercheur·se·s pour présenter leurs recherches sur le dérèglement climatique et ses conséquences sur la biodiversité. Or une partie des élu·e·s n’était pas là pour cette séance. Antoine Guisan, professeur à l’Unil, nous fait part de son expérience.

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Propos recueillis par : Maxime Hoffmann

Le 2 mai 2022, le Conseil national suisse a invité huit chercheur·se·s pour présenter leurs recherches sur le dérèglement climatique et ses conséquences sur la biodiversité. Or une partie des élu·e·s n’était pas là pour cette séance. Antoine Guisan, professeur à l’Unil, nous fait part de son expérience.

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Propos recueillis par : Maxime Hoffmann

Le 2 mai 2022, le Conseil national suisse a invité huit chercheur·se·s pour présenter leurs recherches sur le dérèglement climatique et ses conséquences sur la biodiversité. Or une partie des élu·e·s n’était pas là pour cette séance. Antoine Guisan, professeur à l’Unil, nous fait part de son expérience.

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Boycotte du 2 mai

Photo : ©Hansjörg Keller

Propos recueillis par : Maxime Hoffmann

Le 2 mai 2022, le Conseil national suisse a invité huit chercheur·se·s pour présenter leurs recherches sur le dérèglement climatique et ses conséquences sur la biodiversité. Or une partie des élu·e·s n’était pas là pour cette séance. Antoine Guisan, professeur à l’Unil, nous fait part de son expérience.

Qui n’a pas eu chaud l’été dernier ? Sous le soleil brûlant, les gens slalomaient entre les ombres en quête de fraîcheur. S’apercevaient-il·elle·s qu’il·elle·s piétinent les herbes jaunies et les feuilles cramoisies étrangement tombées avant l’automne ? Sans doute, car la cause – le déréglément climatique – est un phénomène devenu sensible. La planète et ses biosphères en subissent chaque année plus durement les conséquences.

Rappelons-le : les activités humaines provoquent des changements climatiques incontrôlés et dangereux pour la vie sur terre. Des quantités massives de gaz à effet de serre sont projetées dans l’atmosphère. Parmi ces gaz se trouve, en premier lieu, une molécule connue : la vapeur d’eau (H2O). Celle-ci est naturellement présente puisqu’elle compose, à l’état liquide, majorité de la surface terrestre. Seulement, d’autres gaz comme le carbone (CO2), le méthane (MH4) et l’azote (N2O), tous trois extraits des sous-sols par l’exploitation minière ou issus des productions agraires, s’accumulent eux-aussi dans l’atmosphère. Leur concentration croissante a pour conséquence l’augmentation de l’absorption des rayonnements solaires, ce qui entraîne, entre autres, l’élévation de la température sur terre. Les dérèglements qui en découlent légitiment ce que beaucoup nomment « l’urgence écologique ».

     Pour en parler, le 2 mai 2022, le Conseil national suisse a organisé une séance dédiée à l’évolution du climat sur le territoire helvétique et son impact sur la biodiversité. Huit chercheur·se·s ont été invité·e·s pour présenter leurs travaux. Or, séance mal agendée ou thématiques aux antipodes de certaines convictions, une partie significative des représentant·e·s étaient absente ce jour-là. Nous avons recueilli l’expérience de deux acteurs importants de cet événement : Guillermo Fernandez, activiste du climat qui a fait une grève de la faim sur la place Fédérale à Berne et Antoine Guisan, professeur spécialiste de la biodiversité à l’Unil

Vos recherches portent sur l’environnement. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Mes recherches se situent dans le domaine de la biogéographie, et donc de la géographie du vivant. Et plus particulièrement dans la compréhension et la prédiction des distributions d’espèces au moyen de modèles statistiques appliqués dans un contexte géographique. Ces modèles permettent ensuite de prédire les changements de distribution attendus selon différents scénarios de changements environnementaux, tels que le climat, l’utilisation des terres, la pollution ou les invasions biologiques. Ce sont donc des outils importants pour identifier et anticiper les menaces actuelles et futures sur la biodiversité.

Vous avez participé à la séance du Conseil national du 2 mai. Quelles sont les problématiques et solutions que vous avez présentées aux membres du Conseil national ?

Nous étions huit scientifiques à présenter huit courtes interventions sur les différentes facettes de ce que nous avons appelé « la double crise du climat et de la biodiversité ». Une vingtaine d’autres scientifiques étaient également présents dans la salle, tou·te·s expert·e·s sur le climat ou la biodiversité. Les interventions étaient groupées en deux blocs : l’état de la situation d’abord, puis les solutions possibles. Nous avions aussi préparé un document (handout) résumant le contenu de nos interventions. Tout ce matériel dédié à cet événement est présent sur le site de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles : https://sciencesnaturelles.ch/trendwende.

Pour ma part, j’ai présenté l’état actuel de la biodiversité en Suisse et dans le monde, ainsi que les principaux facteurs qui la menacent : destruction d’habitats, surexploitation des ressources naturelles, pollution, changement climatique et invasions biologiques. En raison de ces multiples pressions négatives, l’état de la biodiversité est très préoccupant à l’échelle mondiale, comme l’avait révélé le premier rapport global du Panel Intergouvernemental sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES) publié en 2019, mais il est également très préoccupant en Suisse, au contraire d’un mythe malheureusement toujours bien répandu (voir notamment : https://www.pronatura.ch/fr/2022/suisses-sous-estiment-la-crise-de-la-biodiversite). Il est donc important pour les scientifiques de communiquer de manière beaucoup plus importante sur l’urgence de stopper le changement climatique et l’érosion de la biodiversité.

Qu’avez-vous ressenti en constatant qu’une majeure partie des membres du Conseil étaient absent·e·s le 2 mai 2022 pour écouter des scientifiques présenter leurs recherches sur l’évolution du climat et des biodiversités ?

Tout d’abord, je tiens à souligner que des parlementaires de tous bords nous ont aidés à préparer et étaient présent·e·s à cet événement, et que ceux·celles qui étaient là ont interagi de manière constructive, quel que soit leur parti. Il est cependant regrettable que la date de l’événement n’ait malheureusement pas pu être bloquée fermement dans l’agenda des parlementaires, et donc que des commissions et séances de travail aient notamment pu avoir lieu en parallèle. Et comme dans toutes les sessions parlementaires, certain·e·s peuvent aussi simplement manquer en raison d’autres obligations privées ou professionnelles. Il était donc déjà assez réjouissant d’avoir eu un bon tiers du Parlement présent. Bien sûr, si certain·e·s avaient volontairement boycotté l’événement, on devrait alors légitimement s’interroger – au vu de l’ampleur de ces deux crises conjointes – sur leur sens des responsabilités. Quoi qu’il en soit, avec le fait que toutes les interventions sont désormais disponibles sous forme de vidéos accessibles librement sur internet, et soutenues par un document synthétique également accessible, les parlementaires ne pourront plus à l’avenir dire qu’il·elle·s n’étaient pas au courant ! En ce sens, c’est une étape assez cruciale qui a été franchie.

Pensez-vous, comme l’affirment certain·e·s, que l’on puisse, voire doive, distinguer la science de la politique ? Est-il possible de créer un dialogue et de collaborer ?

Oui, je pense qu’il faudrait effectivement dépolitiser le débat, car la science n’est pas politisée, et les messages que nous avons rapportés ce jour-là sont purement scientifiques, basés sur des faits et des analyses, et devraient impérativement être entendus de tou·te·s les parlementaires. Cet événement du 2 mai devrait au final plutôt rester inscrit comme le début d’un dialogue, de plus en plus intense, entre science et société, plutôt que comme une finalité en soi. Le processus est lancé et nous devons le maintenir, pour impérativement et très rapidement trouver des solutions aux immenses défis qui nous font face. Cela ne peut être obtenu qu’en mettant tous les acteur·ice·s des changements nécessaires autour d’une même table. Des pistes ont été proposées, que nous allons explorer plus en détail durant les mois à venir.

Quel est, d’après vous, le chemin à prendre face aux évolutions climatiques à venir ?

Une chose est claire, car elle ressort de notre intervention et est exprimée sans aucune ambiguïté dans les derniers rapports du GIEC : nous devons absolument tout faire pour stopper le changement climatique et maintenir le réchauffement en-dessous de 1.5°C, au plus 2.0°C. Le même raisonnement peut être appliqué au déclin de la biodiversité, qu’il faut également endiguer aussi vite que possible. Sans cela, des points de bascule pourraient être franchis, amenant des effets qui affecteraient de manière disproportionnée et possiblement irréversible la biodiversité et les écosystèmes ainsi que le fonctionnement de nos sociétés, et donc à terme notre qualité de vie et notre bien-être. Stopper le changement climatique et le déclin de la biodiversité sont des objectifs qui, tous deux, nécessitent des transformations assez radicales de la société, notamment concernant le fonctionnement de l’économie et la gouvernance. C’est ici à mon sens que les universités peuvent aussi jouer un rôle majeur, en tant que catalyseurs de la réflexion et sources des solutions nécessaires pour effectuer les virages salutaires. Développer une telle culture du changement est précisément un des objectifs du Centre de Compétence en Durabilité (CCD) de l’Unil, mais celui-ci ne pourra être atteint à mon sens qu’avec l’aide de l’ensemble de la communauté académique universitaire, des étudiant·e·s aux enseignant·e·s, et de la société.

Rencontre avec Guillermo Fernandez, activiste du climat qui a fait une grève de la faim de 39 jours sur la place Fédérale à Berne en novembre et décembre 2021.

Le 1er novembre 2021, vous avez entamé une grève de la faim qui a duré 39 jours. Votre objectif était alors d’inciter les autorités politiques suisses à ouvrir un dialogue avec des scientifiques sur les évolutions du climat présentes et à venir. Pourriez-vous décrire l’expérience d’un jeûne aussi long et les réflexions qui étaient les vôtres lorsque le Conseil national a accepté votre requête ?

Oui. Contrairement à ce que j’avais anticipé, une grève de la faim de cette durée ne représente pas une vraie douleur physique. Rien de comparable à un accouchement (dont je ne sais rien mais qui m’inspire le plus grand respect vu de l’extérieur) ou à un calcul rénal (dont j’ai l’expérience). La partie la plus douloureuse physiquement est venue par après, avec la reprise de l’alimentation et la remise en marche de mon appareil digestif.

Au cours de ma grève, trois sentiments saillants m’ont accompagné dès le 18 novembre 2021 :

Le premier. Après la visite de Madame Sommaruga, j’avais compris qu’elle me laisserait mourir sur place. Notre dialogue fut celui du pouvoir qui n’a pas besoin d’écouter, puisque c’est lui qui a les canons (en l’occurrence quatre policiers bien armés). Je me suis donc raffermi dans ma volonté d’aller jusqu’au bout, puisque dans mon calcul, même ma mort porterait des fruits, à l’image d’Erbu Timtik, dont la mort permit la libération d’autres prisonnier·ère·s politiques. Un gréviste de la faim, en se posant en sacrifice impuissant, en appelle à l’humanité de ses interlocuteur·ice·s, pour qu’il·elle·s écoutent sa requête et l’évaluent avec sincérité. J’ai trouvé cette humanité auprès de nombreux·ses citoyen·ne·s, de nombreux·ses scientifiques, de nombreux·ses Kurdes et Irlandais et citoyen·ne·s du monde, et de quatre courageuses parlementaires. Pas dans notre exécutif fédéral.

Le deuxième sentiment fut la joie, l’amour, la bienveillance permanente, l’espérance de toutes ces personnes merveilleuses qui sont venues me soutenir et lutter pour donner un avenir à nos enfants. C’est grâce à elles que j’ai vécu 39 jours d’intense bonheur, et que j’ai acquis la certitude qu’avec des êtres humains comme cela, même en enfer, nous pourrons construire le paradis.

Le troisième fut le malaise de recevoir les remerciements de centaines d’enfants, venant parfois par classes entières, parfois accompagnés de leurs enseignant·e·s, parfois non. Ils venaient me dire merci, merci d’être un adulte qui prend enfin leur avenir au sérieux. C’est à ces moments-là que la trahison de ma génération, de celle de mes parents, m’apparaissait avec le plus d’acuité. Et j’en souffre par solidarité générationnelle et incompréhension. Comment des adultes responsables peuvent-ils abandonner ainsi leurs descendant·e·s ? Un jour, une jeune fille, restée en retrait, me dit en pleurant, que mes enfants avaient de la chance de m’avoir pour père. Il faut mesurer la profondeur du sentiment d’abandon, de trahison et de désespoir d’une telle enfant, pour estimer que mes enfants avaient de la chance d’avoir un père en train de mourir pour eux. J’en ai eu le cœur brisé, et j’ai aussi pleuré.

Le jour de la victoire fut un moment très étrange. La veille encore, je savais que des individus étaient prêt·e·s à tout faire capoter. Je sais leurs noms. En mon coeur, je les considère comme ayant délibérément voulu me tuer. Pour parodier Anonymous, je n’oublie jamais, mais je pardonne à qui fait amende honorable.

Je suis donc entré dans ma nuit, puis dans cette journée du 9 décembre, en évacuant toute anticipation de ce qui allait se passer. Un échec eût été trop dur à vivre si j’y avais investi trop d’espoir. Quand la merveilleuse héroïne qui devait confirmer l’issue m’appela sur mon téléphone, j’ai eu un sentiment plutôt plat : voilà, c’est fait. Ce n’est que plus tard que j’ai pu vivre pleinement la joie d’avoir survécu, de retrouver mon épouse et mes enfants, pour qui je dois faire mon devoir : créer un futur dans lequel l’espoir existe, et leur léguer un ancêtre dont ils pourront être fiers et qui leur servira de repère pour s’orienter dans des temps difficiles.

Entre la fin de votre grève de la faim et la séance du Conseil national qui a eu lieu le 2 mai, avez-vous entretenu un dialogue avec le Conseil ?


Non. Aucun dialogue. J’ai passé mon temps à récupérer et à aimer mes enfants et mon épouse. J’ai été invité par un sénateur français pour l’aider à défendre un projet de loi similaire à ce que la Suisse a fait. J’ai soutenu et conseillé d’autres grévistes de la faim dans d’autres pays (ils ont tous gagné, la même chose qu’en Suisse). J’ai aussi passé du temps à faire des fresques du climat. J’en ai fait à des adultes, sans problème, il·elle·s sont responsables. J’en ai fait à des jeunes (16-18 ans), trop. Les jeunes me brisent le cœur, parce qu’à chaque débrief, il·elle·s me renvoient cette certitude que ma génération, leurs parents, les ont abandonnés. A ma dernière fresque, une jeune femme de 17 ans m’a demandé : « Si vous aviez su ce que je sais aujourd’hui, il y a 20 ans, auriez-vous fait vos enfants ?”

J’ai répondu : “Sincèrement, je ne sais pas. C’est vrai que cela fait peur. Mais maintenant qu’ils sont là, je dis oui. L’histoire de l’humanité vaut encore la peine d’être racontée. Ils pourront faire de belles vies. Je me bats pour eux, pour vous.”


Quand elle m’a répondu ”Vous ne connaissez pas mes parents et leurs amis. Je ne ferai jamais d’enfants.”, mon âme s’est brisée, j’ai pleuré, je suis resté 4 semaines en dépression.

Qu’avez-vous ressenti en constatant qu’une majeure partie des membres du Conseil étaient absent·e·s le 2 mai 2022 pour écouter des scientifiques présenter leurs recherches sur l’évolution du climat et des biodiversités ?


Une grande joie.


Les buts de cette présentation étaient les suivants:

  1. Créer un consensus scientifique inattaquable, facile à communiquer, pour la Suisse, qui serait la référence pour la presse, les citoyens et les politiciens
  2. Révéler quels parlementaires ne se soucient pas assez de l’avenir de nos enfants et de la Suisse pour recevoir un topo sur la situation
  3. Établir un état de fait informationnel tel que les citoyens puissent savoir ce que les parlementaires devraient savoir et ainsi juger si leurs actions sont conformes à ce que l’on peut attendre d’eux pour affronter la situation.


Pour 1), nos scientifiques ont fait un travail sensationnel, et je recommande à tout le monde d’en lire le rapport[1].

Pour 2), cela s’est passé mieux que je ne l’espérais. La presse romande a joué son vrai rôle, et a mis la droite absente en demeure de justifier son absence. Dans leur arrogance, il·elle·s n’avaient pas anticipé qu’il y aurait un prix politique à payer pour se montrer indifférent à la science et à l’avenir de nos enfants et de la nation. Mal préparé·e·s à la question, il·elle·s nous ont offert quelques charmantes prises de tapis. M. Matthias Michel a pu donc nous apprendre qu’il ne fallait pas “regarder le nombre, mais la qualité, de ceux qui étaient venus”. Il est vrai qu’il est un des rares PLR de qualité.

M. Philippe Nantermod a dû aussi révéler, parmi ses justifications maladroites, qu’il côtoyait des thèses complotistes fumeuses, en accusant nos scientifiques de pratiquer une “messe anticapitaliste décroissante” et que le GIEC était douteux, rappelez-vous du climategate[2].

In fine, le PLR et l’UDC ont fait tomber le masque, et leur désintérêt pour notre futur les hantera.

Il reste néanmoins à traverser le röstigraben. La presse suisse alémanique est restée curieusement plus distante que[DB1]  pendant la grève de la faim elle-même. Je ne sais dire si elle est plus servile ou captive que la presse romande.


Pour 3), c’est du travail en cours. Propager et diffuser cette information auprès de la population, afin qu’elle puisse exiger de prendre ses responsabilités.

Pensez-vous, comme l’affirment certain·e·s, que l’on puisse, voire doive, distinguer la science de la politique ? Est-il possible de créer un dialogue et de collaborer ?

Très clairement, la science n’est pas la politique. La science décrit la réalité, décrit les moyens d’agir dessus. Elle peut même aujourd’hui, grâce aux progrès de l’informatique, jouer des scénarios pour évaluer comment une décision politique impacterait la réalité dans le futur.


La politique sert à définir quels sont nos buts, quels sont les changements que nous voulons opérer et qui seront les gagnants et les perdants de ces changements.

La réalité nous pose un problème très bien décrit par la science. Pour le résumer, je citerai M. Antonio Guterres, secrétaire  général de l’ONU qui en a donné une formule compacte[3] : “Nous pouvons soit sauver notre monde, soit condamner l’humanité à un avenir infernal.” Les politiques actuelles du PLR et de l’UDC nous conduisent à cet “avenir infernal”. La science sait prédire cela. Leur absence le 2 mai montre aussi leur indifférence au bien-être de nos enfants. Assez simplement, cette politique a défini que les gagnants du changement seraient ceux qui ont le capital pour surfer sur l’enfer. Les perdants seront tou·te·s les autres (classes moyennes, défavorisés) et particulièrement nos enfants.

Les buts poursuivis sont simples : garder l’échelle hiérarchique telle qu’elle est. Que ceux·celles qui sont puissant·e·s (dotés en capital, riches) aujourd’hui, le restent demain, même si c’est au prix de l’habitabilité de la terre.

On peut imaginer facilement une politique différente, qui déciderait que le but premier est de “sauver notre monde”. Les premier·ère·s perdant·e·s seraient, à l’évidence, tous ceux·celles dont le pouvoir dérive d’énergies fossiles. Elle pourrait aussi définir que nous voulons que cela se passe bien pour la majorité (classes moyennes, défavorisés) et donc prélever chez celui·celle qui peut, pour aider celui·celle qui a besoin.

Ce choix est politique.

 
La science peut simplement prévoir que le premier choix conduit à un futur où la vie sur terre sera dégradée, misérable et sans espoir, puisque les températures continueraient à monter durant la vie de nos enfants et petits-enfants, au moins.


La science peut aussi prévoir que si c’est la deuxième voie politique que nous choisissons, nos enfants auraient encore des moments durs à passer, mais les dégâts seraient maîtrisés, et de leur vivant, les températures commenceraient à baisser.


La science ne juge pas de ce qui est bien, elle prédit ce qu’il advient en fonction des paramètres choisis, politiquement. C’est nous, au travers de qui nous élisons, de comment nous votons, qui jugeons. Et à la fin, ce seront nos enfants qui, vivant les conséquences de nos choix, nous jugeront.

Quelle est, d’après vous, le chemin à prendre face aux évolutions climatiques à venir ?

D’abord en parler, le plus possible, sur le ton de la responsabilité adulte, et du devoir transgénérationnel, celui que les ancêtres doivent à leurs descendant·e·s. On ne brûle pas la maison et les champs de ses héritier·ère·s, on n’empoisonne pas leurs puits.

  • Si on est jeune, mettre ses parents devant leurs responsabilités. C’est dur et inconfortable, mais c’est leur avenir qui se joue.
  • Si on est parent, éduquer ses enfants pour qu’il·elle·s aient envie de se battre pour un avenir digne, plutôt que de s’anesthésier par la consommation en brûlant ce qu’il reste à brûler. Faire vis-à-vis de ses propres parents comme les jeunes devraient le faire avec les leurs.
  • Si on est grand-parent, mettre ses enfants devant leurs responsabilités. Qu’il·elle·s fassent ce qu’il faut pour sauver leurs petits-enfants. 

Sur les méthodes, nous sommes tellement tard, notre fenêtre d’action est tellement petite[4], que nous devons tous y aller avec courage et entrain.

Les intérêts fossiles ont la puissance. Ils ont de l’argent pour financer leurs campagnes. Ils ont des parlementaires comme Albert Rösti, président de Swissoil. Ils ont des lobbies qui courtisent le parlement et le Conseil fédéral en permanence. Ils ont des agences de communication qui parasitent sans cesse les canaux de communication : web, réseaux sociaux, journaux, radio, télévision, murs. La publicité elle-même répète inlassablement le même message : “Consomme. La liberté c’est la satisfaction immédiate de ta pulsion.” Et la pulsion, c’est bien la publicité qui la crée. La publicité est une machine à transformer des adultes responsables en enfants capricieux·ses, incapables de différer leur plaisir.

Dans ce contexte, traverser ce mur de bruit et distractions, sans budget, exige le courage et la solidarité : désobéissance civile, blocage d’autoroutes, grèves de la faim, du travail, des impôts, etc. C’est le seul moyen qui permet de toucher la conscience du public, de créer la “news” mobilisant la presse.
Pour ceux qui ont de l’argent, une âme, et le souci de leur héritage, investissez tout pour soutenir les héros engagés dans la désobéissance civile, et promouvoir le contenu du 2 mai dans tous les canaux de communication.
Pour ceux qui ont une position sociale en vue, l’utiliser pour mettre la population, les institutions et les politiques face à leurs responsabilités.
Pour ceux·celles qui ont moins d’argent, mais assez pour des vacances en avion, arbitrer entre des vacances ou financer les amendes de zadistes.
Pour ceux·celles qui n’ont pas encore trouvé assez de courage, manifester. C’est le minimum syndical.


Pour tous et toutes, rejoindre des groupes de lutte pour sauver l’avenir.

Finalement, voter correctement. Le PLR et l’UDC se sont discrédités dans la perspective de donner un avenir qui ne soit pas désespérant et désespéré à nos enfants.

Dès 2030, nos enfants sauront, scientifiquement et sans doute, où nous les aurons menés.
Si leur futur sera éternellement infernal, il·elle·s poseront la question à leurs parents, avec ressentiment :”Qu’as-tu fait pour éviter cela?”. Les adultes responsables qui auront eu le courage d’être les héros d’aujourd’hui sauront quoi répondre. Il·elle·s auront, de plus, offert à leurs enfants le compas moral, dont il·elle·s auront besoin pour traverser des temps difficiles et désespérants.

Si nous les avons mis sur la bonne voie, il·elle·s sauront qu’il·elle·s auront eux·elles-mêmes encore des efforts à faire et des difficultés à surmonter, mais il·elle·s sauront que leurs propres enfants vivront dans un monde où la température baisse et où les catastrophes diminuent avec le temps.

Nous sommes à la croisée des chemins. Nous vivons le moment le plus historique que l’humanité ait jamais connu. Nos actions d’aujourd’hui auront des conséquences pour les milliers d’années à venir.

Nous écrivons l’Histoire. A nous de choisir, si dans les yeux de nos enfants, nous en serons les héros, ou les salauds.


[1] https://scnat.ch/fr/scnat/for_the_network/corporate_design/uuid/i/a5ae57bd-0b54-5e38-ac56-431d034af10f-Inverser_la_tendance_dans_les_domaines_du_climat_et_de_la_biodiversit%C3%A9

[2] Conspiration datant de 2009, où suite au piratage du serveur de mail du Climatic Research Unit, des agences de communication négationnistes en avaient fait des montages pour faire croire que les températures étaient manipulées. Je ne connais personne, à part des conspirationnistes, qui se rappellent en 2022 de cette hisoire.

[3] https://twitter.com/antonioguterres/status/1443704909300371457?lang=en

[4] Rapport SCNAT 2002.05.02 – p.18: « Afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C, les émissions mondiales doivent atteindre leur niveau maximal avant 2025, puis être réduites de moitié par rapport à leur niveau actuel d’ici 2030 et atteindre zéro d’ici 2050. »