À Lausanne on respire le cinéma
Photo : ©Alicia Mendy, extrait de « Entre Mer et Ciel »
Rédigé par : Furaha Mujynya
FILM • À la découverte du monde cinématographique lausannois avec l’aide de plusieurs jeunes cinéastes lausannois·es. Quelles sont ces opportunités qu’il a à offrir aux étudiant·e·s en cinéma et aux réalisateur·trice·s amateur·trice·s et seront-elles suffisantes pour faire de notre chère ville la prochaine Hollywood ?
Il existe de nombreuses formations en Suisse qui permettent de découvrir les métiers du cinéma – que ce soit à l’ECAL, à la HEAD ou encore à l’Unil. Ces formations produisent des cinéastes qui se lancent dans la création de court-métrage. Afin de mieux comprendre les opportunités et difficultés que peuvent rencontrer de jeunes producteur·trice·s en Suisse, quatre lausannois·es; Alicia Mendy, Ilù Seydoux, Samuel Damiani et David Gonseth partagent leurs expériences dans la réalisation de film.
Un environnement propice
La culture cinématographique à Lausanne – comme dans l’ensemble du canton de Vaud – est fortement développée et possède un grand nombre d’institutions qui permettent la projection de films, l’organisation de rétrospectives ou encore de festivals de films. La cinémathèque suisse à Lausanne projette un grand panorama de films suisses et d’origine étrangère à travers des hommages, rétrospectives et des cycles de films organisés autour d’un courant ou genre cinématographique.
Il existe également le cinéma Bellevaux, Oblò, Zinéma ou encore le City-Club de Pully qui proposent tous un programme qui s’éloigne des habituels films commerciaux que l’on peut trouver au Box-Office. Grâce à ces salles plus intimistes, il est possible de découvrir des productions locales, des documentaires, courts-métrages, animations et films indépendants, dont l’accès n’est pas toujours évident. Encouragés par de motivations politiques, sociales et esthétiques, ces cinémas tiennent à permettre au public lausannois d’enrichir ses horizons, par la projection de courts-métrages et documentaires locaux ou encore par l’organisation de ciné-concerts. Mais s’il existe un grand nombre de lieux où visionner des films suisses, il reste à déterminer si ces opportunités s’étendent aux projets amateurs.
Les débuts filmiques
Samuel et David ont produit leur premier court-métrage, à travers le collectif Masvida, avant même d’avoir commencé une formation dans le cinéma. Pourtant, ceci ne les a pas empêchés de remporter un prix pour leur film « Sers-moi un Rêve » au festival Aventiclap en 2021. Le court-métrage plonge son public dans un monde noir aux lueurs d’exaucer de souhaits, où deux jeunes en quête de fortune perdent le contrôle de leur business illégal. Depuis, ils ont produit plus d’une dizaine de projets. Ayant expérimenté la réalisation de courts-métrages en autodidacte ainsi qu’en école, ils soulignent les avantages que peut apporter une formation en cinéma – non seulement pour se rassurer sur son avenir professionnel, mais également pour se sentir légitime face à ses parents et les spécialistes du milieu.
Samuel, actuellement en master de cinéma à l’Unil, dit : « L’avantage c’est que tu baignes tout le temps là-dedans […] quand je me lève le matin je sais que je vais faire ça et c’est vraiment ce qui me passionne ». De plus David, Ilù et Alicia, qui suivent des formations à l’ECAL et à la HEAD, notent l’importance d’avoir accès à du matériel de qualité ou encore de pouvoir rencontrer des professionnel·le·s, offrant diverses perspectives sur les aspects techniques du cinéma. Ilù applaudit aussi la mise en contact avec des élèves d’écoles de théâtre, qui facilitent la rencontre avec de potentiel·le·s acteur·trice·s.
L’avenir en Suisse
Tou·te·s affirment que la scène cinématographique suisse possède un grand budget et que sa petite taille est avantageuse lorsqu’il est question de se faire des contacts dans le milieu. De plus, la plupart des festivals de cinéma possèdent une section étudiante qui permet de présenter ses projets (e.g. Locarno, NIFFF) – bien que les contraintes au niveau du format ou encore l’absence d’un tampon institutionnel pour les autodidactes peuvent rendre leur accès difficile, remarque Masvida. Alicia note aussi que s’il ne manque pas d’opportunités où inscrire ses projets : « ça touche toujours les mêmes publics – des vieux bourgeois ». Contrairement à la majorité qui se voit rester en suisse ou en tout cas en Europe, le discours politique qu’Alicia souhaite défendre la pousse « vers le Sénégal et la Guinée-Bissau, d’où vient [son] papa ». Ses productions s’éloignent du genre thriller et humour noir de Masvida pour entrer dans un monde fantastique, influencé par des photographes ouest-africains. Elle produit une image tantôt féérique et tantôt menaçante, jouant avec les tons de chaque plan pour projeter l’audience dans un monde lointain.
Pourtant Alicia rejoint Ilù dans son intérêt du documentaire et du cinéma réel. « Le Plafond » par Ilù, dénonce les dangers de la folie créative, mêlant une critique sur les conditions de la vie d’artiste à un univers fictif intemporel. Tandis que le nouveau film d’Alicia, « Entre Mer et Ciel », produit en Guinée Bissau et au Sénégal, présente le parcours d’un concierge qui quitte son pays. Entre exil forcé et rêves brisés, le film associe images ésotériques à un discours ancré dans la réalité. « Sur la Croix » – le projet bientôt disponible de Masvida – s’inscrit, quant à lui, dans un monde noir et sinistre, exposant un amour malsain et empli de manipulation. Si les productions lausannoises sont nombreuses et variées, les plateformes où elles peuvent être exposées ne font qu’augmenter ; il ne reste donc plus qu’à les découvrir.