Rencontre avec Alicia Mendy
Illustration : screenshot du court-métrage réalisé par Alicia Mendy, Entre Mer et Ciel (2022)
Propos recueillis par : Furaha Mujynya
(Interview intégrée dans l’article « À Lausanne on respire le cinéma »)
Est-ce que tu suis une formation de cinéma ? Si oui, laquelle et depuis combien de temps ?
Je suis en 3ème et dernière année de bachelor à la HEAD en cinéma en option réalisation.
Quels sont les avantages d’une formation officielle en cinéma, dans ta production de film ?
Un cadre, une structure qui te pousse à te lever et être sûre de travailler et en vrai ça t’apporte des outils d’ouf que t’as pas…. Tu ne vas pas avoir accès à ce genre de matériel comme ça et puis pour apprendre à l’utiliser, c’est plus simple quand y’a des gens qui sont là pour te former et t’expliquer. Et à la HEAD on a que des intervenants différents toutes les semaines ou deux, trois semaines ou un mois, on a que des ateliers. Du coup, on travaille tout le temps avec des professionnels du cinéma qui sont là pour nous former, que ce soient des scénaristes, des chefs déco etc. Comme ça on est constamment formé par des gens qui travaillent là-dedans.
Quelles sont tes influences cinématographiques ? (réalisateur/trice, genre de cinéma, pays, période)
J’avoue que moi j’ai l’impression que mes plus grandes influences visuelles, c’est des photographes ; plutôt de la photographie, principalement de photographes ouest-africains, beaucoup du Nigéria comme ça. Après, ce sont plus des genres qui m’influencent, je suis hyper influencée par le cinéma fantastique, d’ouf, malade depuis toujours, depuis que je suis petite. Genre vraiment mes influences fantastiques c’est Pirates des caraïbes et Twilight, vraiment le cinéma fantastique ça m’a toujours hyper fasciné et c’est ce que je veux faire. Mais y’a pas un réalisateur, y’a pas un courant où je suis adepte d’un truc, y’a des défauts et des points positifs dans tout. Et du coup y’a pas un truc que je kiffe fanatiquement.
Dans la production de tes courts métrages, quel est ton/tes rôle(s) ?
Là principalement, je fais souvent mon image et je réalise en même temps. Je fais principalement mon image, ma réalisation, le scénario et la musique, je compose la musique aussi.
Combien de courts métrages (vidéo) as-tu déjà réalisé ? Qu’as-tu le plus apprécié dans la production de ceux-ci ?
À partir de la HEAD, en première on en a fait 3, et en deuxième j’en ai fait deux, donc ça fait cinq. Moi, j’aime beaucoup les tournages parce que j’essaye un peu, chaque fois, de créer des ambiances où les personnages, ils peuvent s’amuser aussi. Je ne vais pas aller tourner en haut d’une montagne où il fait froid. Mais j’essaye toujours de créer des environnements cools pour les personnages et du coup mes acteurs y prennent aussi du plaisir. Tu peux créer des relations intimes avec une personne. Moi, la caméra ça me permet des fois quand j’ai envie de créer une relation avec quelqu’un, par rapport à un travail que j’ai envie faire, mais que je ne sais pas trop comment aborder la personne socialement, bah la caméra ça me permet d’avoir un prétexte enfaite pour créer un lien avec cette personne, que ça soit un tonton ou un jeune, c’est comme si on allait boire un café mais du coup c’est version caméra.
Tu mettrais tes productions cinématographiques dans quel genre ?
Plutôt genre fantastique, c’est ce que je vais essayer de faire le plus. Enfin par rapport aux normes occidentales c’est considéré comme du fantastique.
Est-ce que c’est facile de trouver des acteurs/actrices ainsi que des lieux pour filmer tes projets ?
Non. Mais vu qu’on est un peu des étudiants, en galère je pense qu’on ne vise jamais le summum, mais on trouve en fonction de ce qu’on a. On dit : « bon bah je sais que j’ai ça chez moi ou à côté de chez moi, je pourrais avoir accès à ça ». Donc je crée avec ce que j’ai déjà un peu sous la main. On ne va pas se dire que j’ai envie de faire un court-métrage au Louvre. Les acteur·trice·s c’est galère ; parce que c’est tellement galère d’être acteur·trice, du coup tu fais plutôt parfois des castings en fonction des personnages, « ah ce mec il est trop cool, il parle comme ça, je sais qu’il est capable de jouer ça ». Des fois t’écris même parfois par rapport aux personnes qui t’entourent. Moi j’ai jamais fait un casting, où j’ai fait postulé des gens ou quoi. J’essaie de trouver des gens – pas forcément toujours dans mon entourage – ça peut être sur les réseaux sociaux ou dont j’ai entendu parlé ou des fois même des gens que j’ai croisé dans la rue. C’est ça le casting sauvage ; tu vas dans la rue et dès que tu croises quelqu’un t’es là « hey salut » pleins de fois j’ai dû prendre des numéros et tout et puis y’en a même avec qui j’ai tourné des fois et tout, donc c’est plus une question de feeling.
Est-ce que tu te vois poursuivre une carrière à Lausanne ou en Suisse ? Si non où ?
Pas à 100%, dans le sens que par rapport aux choses que j’ai envie de défendre politiquement etc. ça sera plutôt dans d’autres environnement, donc pas à 100%. Mais après je ne suis pas fermé à l’idée de faire des films et des choses ici, on verra bien où je peux trouver des fonds pourquoi et comment est-ce qu’ils s’accordent, donc ça dépendra de beaucoup de choses.
Où voudrais-tu donc filmer en dehors de la Suisse ?
Plutôt d’où vient mon papa, donc plutôt vers le Sénégal et la Guinée Bissau.
Considères-tu qu’il existe suffisamment d’opportunités en Suisse pour que les jeunes réalisateur·trice·s montrent leur travail au public ? (Festival, concours amateur)
En fait ça dépend à quel point. Parce qu’avec des festivals de cinéma tu vas toujours toucher les mêmes publics – ça sera des vieux bourgeois et de temps en temps quelques jeunes qui travaillent là-dedans et puis les gens du milieu. Mais c’est quand même un certain type de population qui sera dans des festivals de films, donc franchement ça dépend de quelle population tu cibles, ça dépend de qu’est-ce que c’est ton but et ça dépend à quel pays tu compares et je ne sais pas ce que ça veut dire « assez ». Mais en tout cas y’a déjà des festivals de cinéma en Suisse, donc déjà ça c’est cool. Dans tous les festivals de films en Suisse y’a toujours des sections étudiantes.
Ton dernier court-métrage s’appelle « Entre mer et ciel », n’est-ce pas ? De quoi parle-t-il ? Quand est-ce qu’il sortira sur les réseaux ?
Je l’ai mis sur YouTube en privé mais bientôt je le remettrai en mode « public ». Ça parle de quoi ? Ça parle d’exil, d’exil forcé dû aux migrations du continent africain et c’est un peu une représentation de ce que les îles, enfin de ce que tu peux vivre à partir des mondes que tu crées pour survivre. Ça parle d’exil, de migration, de rêves, de beaucoup de rêves qu’on a et de rêves qui se brisent quand tu viens dans un pays et que c’est pas du tout comme tu t’y attendais, ça c’est un truc qui me touche le plus. Les tontons, ils nous parlent de leur exil ; c’est qu’ils avaient tellement une autre image de l’Europe, même pas sur les plans technologiques et tout ça, mais un endroit où on traite les gens avec dignité et c’est pas trop le cas quoi, en tout cas pas pour les populations racisées, immigrées. Et du coup mon court-métrage parle d’un concierge qui est parti de son pays. J’ai filmé au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Suisse.
C’était ta première fois en Afrique ?
Oui première fois que je filmais [là-bas]. J’avais pas prévu de filmer en Guinée Bissau mais tous les matins ma famille me réveillait pour que je vienne filmer des trucs, parce que y’avait pas moyen que je sois là avec une caméra et que je les filme pas. Tout le monde voulait être filmé, parce qu’en Guinée Bissau… bon ils savaient qui j’étais et d’où je sortais, c’est ma mif, mais ils étaient trop chauds au village alors qu’à Dakar les gens ils ne veulent pas être filmés. Pas du tout. J’ai dû faire un clip là-bas et on a tellement galéré à trouver une fille.
As-tu déjà participé à un concours/festival ?
Non parce que j’avais jamais inscrit mes courts-métrages avant. C’est la première fois que j’inscris mon court-métrage parce qu’avant c’était un peu des expériences, des tests… Maintenant je veux un peu voir ce que ça donne, du coup j’ai commencé à les inscrire, mais seulement depuis même pas un mois.