Semaine au rabais

Illustration : ©Natalia Montowtt

Rédigé par : Pauline Pichard

ÉCOLOGIE • Si quelques études suggèrent des bénéfices de la semaine à quatre jours sur l’environnement, le sujet est loin de faire l’unanimité auprès des spécialistes. Le professeur Dominique Bourg nous apporte son point de vue éclairé sur la question.

La nouvelle est tombée en avril de cette année : le gouvernement lithuanien a autorisé de manière permanente les employé·e·s du secteur public avec enfants à ne travailler que 32 heures par semaines sans voir leur salaire baisser. D’autres pays, comme la Belgique, ou les Emirats arabes unis ont récemment enjoint leurs collaborateur·trice·s à ne travailler que quatre jours par semaine, augmenter la productivité, en plus de favoriser un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Si ses avantages semblent reconnus par une majorité de spécialistes, son impact environnemental donne davantage lieu à des controverses.

Une question encore peu étudiée
La réflexion de certain·e·s expert·e·s environnementaux à ce propos peut se résumer en ces termes : les personnes qui possèdent suffisamment peuvent se permettre de travailler moins, donc de gagner et de consommer moins, ce qui pourrait augmenter le bien-être et réduire les impacts sur l’environnement sans mettre à mal le monde de l’emploi. Néanmoins, une revue systématique de 2021, publiée dans les Environmental Research Letters, souligne sa marginalité : « le sujet de la réduction du travail est presque complètement absent de la plupart des documents de l’Intergovermental Panel on Climate Change (IPCC), des stratégies climatiques au niveau international, national et subnational, ainsi que des discussions à large échelle sur la politique climatique ».

« Cette mesure universaliste ne pourrait de toute façon pas être appliquée à grande échelle »

– Dominique Bourg

Est ainsi mise en cause la faible proportion d’informations sur les effets de la réduction de travail sur l’environnement. Aussi, une compréhension plus fine de cette stratégie semble nécessaire.

Une mesure contre-productive ?
Pour le Professeur Dominique Bourg, spécialiste en questions environnementales, ces chercheur·euse·s éludent un certain nombre de complexités : « Il est probable que les personnes sujettes à ce modèle se tournent vers des activités d’autant plus énergivores, comme les voyages en avion pour leurs week-end prolongés. »

« Il est probable que les personnes sujettes à ce modèle se tournent vers des activités d’autant plus énergivores »

– Dominique Bourg

Pour aller plus loin, le spécialiste décrit l’automatisation accrue qu’un tel système pourrait engendrer : « La réduction du temps humain dans la production ne suffit pas à encourager la décroissance. Au contraire, cela augmenterait l’automatisation, ce qui est contreproductif ». À contrario, d’autres spécialistes, à l’instar de Frey et Osborne dans leur étude de 2017, arguent que l’automatisation et l’intelligence artificielle vont nécessairement surpasser les performances des êtres humains dans de nombreux emplois, rendant la semaine de quatre jours inévitable. Il semble par ailleurs impossible d’appliquer ce modèle à l’intégralité de la société : « Cette mesure universaliste ne pourrait de toute façon pas être appliquée à grande échelle : rien que l’hôpital français a déjà très mal vécu le passage aux 35 heures. Sans parler des agriculteur·trice·s, pour qui ce modèle est absolument inenvisageable », déplore Dominique Bourg.

De nouvelles perspectives de recherche
Si, pour Dominique Bourg, « la priorité est bien davantage de reprendre la main sur le pouvoir réglementaire, en contraignant matériellement tous les objets », les auteur·trice·s de la revue systématique offrent d’autres pistes de recherche sur le sujet : « Il est préférable de collecter et d’utiliser des données d’un même foyer pour la réduction du temps de travail et pour les dépenses ».

« La priorité est bien davantage de reprendre la main sur le pouvoir réglementaire »

– Dominique Bourg

Néanmoins, tous·tes les expert·e·s s’accordent à dire que la réduction du temps de travail ne résoudra jamais à elle toute seule la problématique du réchauffement climatique.