Et la lumière fut

Photo : Brassaï

FIAT LUX • Qu’elle soit sujet central ou métaphore, la lumière est omniprésente dans le monde de l’art. Littéraires, peintres et photographes tentent ainsi de la saisir.

La clarté n’existe que par rapport à son antagonisme, l’obscurité. Ce n’est pas le célèbre allumeur de réverbères du Petit Prince de Saint-Exupéry qui dirait le contraire, lui qui ne cesse d’alterner entre jour et nuit, et pour cause: la lumière est une composante majeure de l’art et de son histoire.

Contraste, incandescence et incendie

S’il est l’un des oxymores les plus connus de la littérature française, l’«obscure clarté qui tombe des étoiles» évoquée par Don Rodrigue dans Le Cid de Corneille illustre parfaitement cette complémentarité entre les opposés que sont l’ombre et la lumière. Mais il n’y a pas que dans la littérature que s’entremêlent clarté et obscurité. En effet, les peintres sont les premiers à se soucier de représenter cette énergie qui met en valeur leurs sujets. À l’époque moderne, en 1835, William Turner réalise L’Incendie de la Chambre des Lords et des Communes sur la base de son observation, depuis la Tamise, du brasier qui détruisit le palais de Westminster en 1834.

Même dans la nuit, la lumière traverse les arts, intemporelle

Éclatant, le feu ravageur est intensifié par les teintes froides du fleuve dans lequel il se reflète. Dans l’extrémité supérieure droite du tableau est épargné un pan de ciel bleu vif, qui valorise par contraste le mordoré des flammes. Considéré comme le chef de file du romantisme en Angleterre, Turner est parfois aussi perçu comme un précurseur de l’impressionnisme en raison de son habilité à faire vibrer la lumière.

Lampes à pétrole et éclats impressionnistes

Reconnue comme l’une des fondatrices de l’impressionnisme, l’indépendante Berthe Morisot sait parfaitement capturer les miroitements lumineux. La palette claire que lui inspira Camille Corot, dont elle fut l’élève, permet à l’artiste de sublimer ses modèles. Peint en 1869, La Soeur de l’artiste à la fenêtre donne à voir, plus que la femme elle-même, la robe de celle-ci. D’un blanc vif, voire chatoyant, l’habit minutieusement cousu de dentelle devient le sujet principal du tableau ainsi agité de teintes diaprées, contrastant avec le bois sombre du parquet. Quelques années plus tard, loin du confort bourgeois parisien, la bergère de Midi sur les Alpes (1891) peinte par un Giovanni Segantini apatride mais conquis par les lumières de l’Engadine, est baignée d’un soleil à son zénith, seulement protégée par l’ombre de son chapeau et de sa main. La blanche luminosité éclaire cette scène pastorale d’une lumière quasi artificielle tandis que la touche pointilliste confère une agitation étrange au sujet.

De son côté, le photographe Brassaï, passionné par la vie nocturne parisienne, capture l’avènement de la lumière moderne; en témoigne L’allumeur de gaz Place de la Concorde à Paris (1933), photographie qui saisit le geste du travailleur veillant à l’éclairage public dans la capitale nocturne mais illuminée. Même dans la nuit, la lumière traverse les arts, intemporelle.

Allumeur de réverbères, place de la Concorde 1933, Brassaï

Marine Almagbaly

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