La face cachée de l’art
Photo : ©Yasminie Zamparo – Édouard Besson dans l’atelier du MCBA.
Rédigé par : Mélissa Hulmann
ART • Dans le monde de l’art, toute une panoplie de métiers se retrouve cachée dans l’ombre d’une exposition finale. Rencontre avec Édouard Besson, technicien de musée, qui donne un aperçu des rouages techniques de l’atelier du Musée Cantonal des Beaux-Arts.
Dans les « coulisses » d’un musée justement, Édouard Besson explique que le montage d’une exposition prend environ quatre ans, de la négociation de prêts à l’installation finale. Il est donc seulement possible d’imaginer le nombre de personnes à intervenir dans son processus. À retenir de l’atelier technique du MCBA, son emplacement étonnamment accessible non loin de l’entrée du musée même, et son accueil engageant d’odeur de bois et de bruit de machines rythmées par un fond musical très dynamique – Édouard, qui y travaille depuis le déplacement du musée suite au projet Plateforme 10, affirme que la musique fait partie intégrante de son mode de travail. Il fait partie de l’équipe depuis une dizaine d’années. Après plus de 20 ans d’expérience dans la menuiserie, une envie de changer de cadre le mène à un poste mis à concours à 40% au Musée Cantonal des Beaux-Arts. C’était une « prise de risque » et il a fallu « faire ses preuves », mais trois ans après il est engagé à 100%.
Une exposition d’art, son côté technique
Il n’existerait pas de formation spécifique pour le poste qu’il occupe : dans son cas, Édouard admet que lui-même n’était pas conscient de toutes les possibilités professionnelles qui s’offraient à lui. La polyvalence semble être le maître mot du métier : « Dans l’atelier, on est tous polyvalents, mais on a chacun nos tâches précises », dit-il.
L’accrochage est ce qui résumait autrefois une grande partie de sa profession, cependant elle s’est aujourd’hui remarquablement diversifiée. Son expérience de menuisier lui permet d’élaborer des cadres ou des socles pour les œuvres, mais il intervient également dans le montage final de l’exposition et parfois lors de la constatation d’une œuvre à l’ouverture de sa caisse. Au sein de l’atelier, ils sont cinq techniciens ayant presque tous un parcours différent. L’un d’entre eux, qui a suivi une formation de polydesigner 3D axée sur le travail des matériaux, maîtrise parfaitement l’art de l’adhésif qui permet d’obscurcir les fenêtres d’une salle. Tandis que la coordination est plutôt du ressort du responsable technique, qui a également acquis quelques compétences en électricité en cours de route : « Souvent tu apprends sur le tas, tu as besoin d’essayer de faire un stage ». D’autres tâches consistent aussi à la gestion des multimédias ou à la mise sous cadre, touchant plutôt au secteur de conservation et restauration qui se trouve en revanche à l’autre bout du musée dans un espace plus « aseptisé ».
L’art évolue, avec lui de nouveaux challenges professionnels
L’exigence demandée à un·e technicien·ne de musée a augmenté au rythme des normes protocolaires et de conservation. Ce sont des changements qu’Édouard a pu remarquer durant ses dernières années dans le métier. Il est facile d’imaginer l’accrochage comme une tâche totalement banale, mais moins de se rendre compte de l’énorme responsabilité qui y est impliquée. Ce sont parfois des tableaux d’une valeur inestimable qu’ils ont entre les mains et les prix d’assurance qui vont avec, « une tâche simple peut donc devenir très complexe, c’est ce que je pense, les visiteurs n’ont pas conscience » ajoute-t-il.
De plus, le MCBA est un musée d’État, avec une mission de conservation du patrimoine vaudois. Il ne s’agit pas que de valeurs pécuniaires, mais également historiques. L’installation d’une exposition ne se résume plus uniquement à placer des tableaux sur des murs (bien que celle-ci, relève Édouard, peut déjà être considérée comme une science puisqu’elle nécessite un savoir-faire bien spécifique). L’évolution de l’art contemporain dans des formes plus variées implique l’apparition de nouvelles tâches. Édouard évoque par exemple le projet artistique de Julian Charrière ayant eu lieu en 2014 au Palais de Rumine, pour lequel il a fallu déplacer 25 tonnes de carottes de sel de Bolivie : « On se retrouve à faire des tâches particulières, les briques de sel sont arrivées deux jours avant le vernissage et on s’est vite rendus compte qu’il fallait mettre des gants, car le sel piquait ! »