Photo : ©Ronnie Schmutz

Rédigé par : Murielle Guénette

DIPLOMATIE • Depuis que la guerre en Ukraine a éclaté, les voix fusent. « La Suisse a violé sa neutralité », dit-on un peu partout. Mais qu’en est-il vraiment ? Si l’on fait fi de la question ukrainienne, où en est la diplomatie suisse ? Retour sur les traditions diplomatiques de la Suisse, son histoire et ses défis.

" > Photo : ©Ronnie Schmutz

Rédigé par : Murielle Guénette

DIPLOMATIE • Depuis que la guerre en Ukraine a éclaté, les voix fusent. « La Suisse a violé sa neutralité », dit-on un peu partout. Mais qu’en est-il vraiment ? Si l’on fait fi de la question ukrainienne, où en est la diplomatie suisse ? Retour sur les traditions diplomatiques de la Suisse, son histoire et ses défis.

" > Photo : ©Ronnie Schmutz

Rédigé par : Murielle Guénette

DIPLOMATIE • Depuis que la guerre en Ukraine a éclaté, les voix fusent. « La Suisse a violé sa neutralité », dit-on un peu partout. Mais qu’en est-il vraiment ? Si l’on fait fi de la question ukrainienne, où en est la diplomatie suisse ? Retour sur les traditions diplomatiques de la Suisse, son histoire et ses défis.

" >

Neutralité ou indifférence ?

Photo : ©Ronnie Schmutz

Rédigé par : Murielle Guénette

DIPLOMATIE • Depuis que la guerre en Ukraine a éclaté, les voix fusent. « La Suisse a violé sa neutralité », dit-on un peu partout. Mais qu’en est-il vraiment ? Si l’on fait fi de la question ukrainienne, où en est la diplomatie suisse ? Retour sur les traditions diplomatiques de la Suisse, son histoire et ses défis.

« La neutralité n’est pas synonyme d’indifférence ». Telles étaient les déclarations d’Ignazio Cassis quelques jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et si ces mots sont toujours de rigueur aujourd’hui, ils suscitent débats et discussions. Même la Russie exige de la Suisse qu’elle « revienne à la neutralité ». L’ancien député tessinois, désigné président de la Confédération suisse en 2022 et actuellement à la tête du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), a donc commencé son mandat avec du pain sur la planche. Si certains lui reprochent d’avoir violé le concept de neutralité, d’autres décident d’appréhender la situation avec du recul.

« La neutralité n’est pas synonyme d’indifférence »

– Ignazio Cassis

Rappelons également les déclarations du Conseil fédéral, qui affirmait début septembre de cette année que « les décisions prises par le Conseil fédéral depuis le début du conflit en Ukraine, comme la reprise des sanctions de l’Union européenne envers la Russie, [étaient] compatibles avec la politique de neutralité de la Suisse. Cette politique laisse suffisamment de marge de manœuvre au gouvernement pour réagir aux événements que traverse le continent européen depuis le début du conflit».

La Suisse, toujours neutre ?
« La neutralité de la Suisse ne doit pas dépendre des circonstances », avait déclaré un peu plus tôt cette année Roger Köppel, élu UDC au Conseil national. Au-delà du parti de l’Union démocrate du centre, beaucoup de citoyens sont décontenancés par l’adhésion de la Suisse aux sanctions contre la Russie. En réalité, pour la Suisse et la plupart des États neutres (notamment la Suède et la Finlande jusqu’au début de cette année), on semblerait s’éloigner du concept de neutralité traditionnel. Selon l’expert autrichien en droit international Peter Hilpold, de l’Université d’Innsbruck, « la neutralité au sens classique du terme est difficilement compatible avec l’appartenance aux Nations Unies et encore moins avec l’appartenance à l’UE ». Mais cela signifierait-il donc que la Suisse ne serait plus neutre depuis son adhésion à l’Organisation des Nations Unies ?

Mais la neutralité, c’est quoi ?
Il s’agirait donc en premier lieu d’éclaircir ce que signifie « neutralité ». Au sens juridique, la neutralité est pourtant claire : ne pas fournir d’armes de manière directe dans des zones de conflit et ne pas s’immiscer dans des affaires étrangères sans être sollicité constituent deux exemples assez évidents de cette notion.

« la neutralité au sens classique du terme est difficilement compatible avec l’appartenance aux Nations Unies »

– Peter Hilpold

Dans La politique extérieure suisse au défi du XXIe siècle, Joëlle Kuntz, journaliste et écrivaine suisse, se questionne : « La neutralité qu’elle [la Suisse] fixait comme un moyen important de sa politique étrangère a-t-elle encore une valeur protectrice dès lors que presque tous les domaines d’activité sont l’objet de coopérations multilatérales négociées dans des systèmes d’alliance ? »

Une longue tradition
Si la Suisse a son identité propre sur le plan diplomatique, cela ne date pas d’hier. Partout dans le monde, on parle d’elle et de ses spécificités. Symbole de la neutralité, d’excellence et de compromis, ce petit pays serait « parvenu à compenser sa faible position sur le plan politique hégémonique par un engagement prononcé en faveur d’un droit international opérationnel, à se positionner très tôt comme lieu d’implantation des organisations multilatérales, et à mettre sa neutralité au service des autres », éclaire Sacha Zala, professeur d’histoire suisse à l’université de Berne. Mais ce principe de neutralité placerait la Suisse devant un dilemme constant de l’engagement ou de l’isolement, explique-t-il encore dans l’ouvrage La politique extérieure suisse au défi du XXIe siècle.

Le XXIe siècle pousse la Suisse dans ses retranchements, la forçant à trouver sa place

Autrement dit, difficile de rester neutre tout en faisant partie de la chaîne d’interdépendance de l’ordre mondial actuel.

Les défis de la diplomatie suisse
Le XXIe siècle pousse la Suisse dans ses retranchements, la forçant à trouver sa place dans un monde globalisé et aux relations internationales profondément transformées. Car oui, plusieurs défis, certains plus coriaces que d’autres, s’annoncent. Comment finira l’éternelle discussion sur la collaboration forte, si ce n’est l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne ? Comment réagir aux relations entre la Chine et les États-Unis ? Quid de la montée de la Chine et de son levier économique colossal, qui empêche nombre d’États de la critiquer ? Comment assumer une politique qui se veut indépendante sans froisser d’autres États ? Les Nations Unies sont-elles archaïques et sans grandes marches de manœuvre face à des défis mondiaux ? Dans sa stratégie sur la coopération internationale (stratégie CI 2021-2022), le Conseil fédéral déclare « [qu’]il est dans l’intérêt de la Suisse d’influencer la politique mondiale ». En définitive, le défi principal de la Suisse sera donc de jongler entre une contribution à la stabilité de l’ordre mondial et d’affirmer son identité, encore incertaine et beaucoup remise en question.