Ode à mes seins

A votre naissance,
vous ne faisiez qu’acte de présence.
Vous étiez là,
tout plats.
Personne ne vous regardait,
ne vous jugeait laids
ou vous sexualisait.

Vous étiez libre d’être montrés
par une belle journée d’été,
ou camouflés
sous un joli pull doré.

Personne ne portait sur vous
aucune exigence,
votre existence n’était pas taboue
mais ça c’était avant l’adolescence.

Ce serait mentir,
que de vous dire,
que je n’ai pas souhaité de tout coeur
que vous soyez aussi gros que ceux de ma soeur.
A cette époque je voulais que vous ressembliez,
à ceux que je voyais dans les publicités.

J’ai vite compris que vous aviez quelque chose de mystique,
qui de manière automatique,
pouvait me procurer cette reconnaissance
que je cherchais à outrance.

Pourquoi, vous deux vulgaires bouts de gras,
étiez plus adulés que de la pizza?
A cet âge-là,
Je ne le comprenais pas.

Et quand vers mes douze ans
vous êtes devenus captivants,
aux yeux de tous ces vieux
qui essayaient de ne paraître vicieux,
quand ils vous observaient silencieux,
Quand mes camarades de classe
vous regardaient en susurrant « bonnasse »,
Quand en me baladant
j’entendais ces mots que je prenais pour glorifiants
accompagnés d’un son strident de klaxon
j’ai pris tous ces actes incessants
pour quelque chose d’honorant.
Sans évidemment bien comprendre
à cet âge-là, cela m’aidait à prendre confiance.

C’est aux alentours de mes douze ans, je pense,
que j’ai conscientisé ce non-sens.
J’ai compris qu’en étant objet de désir,
je pouvais beaucoup plus de chose obtenir:
l’attention
de tout ces petits cons,
qui jusqu’à là m’ignoraient
et jamais ne m’écoutaient,
l’envie
de toutes ces filles
qui ne vous avaient pas encore vue grandir.

Je n’avais aucun pouvoir sur votre évolution
et pourtant vous provoquiez une modification,
dans mon morne quotidien de jeune fille
essayant d’affronter la dure réalité de la vie.

J’arborais des hauts qui vous laissaient entrevoir
un peu des passants qui marchaient avec moi sur les trottoirs.
Je vous compressais dans des soutien-gorge rembourrés,
qui vous donnaient une forme galbée.
Dans les magasines futiles
qui me servaient de Bible,
ils conseillaient de prendre une taille inférieure
de soutif pour rendre votre apparence meilleure.

Vous n’étiez plus qu’une partie de mon corps
vous étiez LA partie qui valait de l’or.
Celle que je pouvait un peu exhiber
et qui attirait les regards intéressés.

A cette époque je n’éprouvait aucune volonté
d’avec qui que ce soit forniquer.
Non, je faisais cela uniquement pour me valoriser
au même titre que je passais du temps
à lisser mes cheveux dorés,
et à les secouer à l’air agréable du printemps.

Vous étiez devenus sexuels
sans même que je le comprenne.

Un jour ma prof de sport,
m’a reproché le port,
d’un petit décolleté,
qui empêchait les garçons de se concentrer.
forcée de porter un t-shirt XXL
pour arrêter de provoquer chez ces garçons des envies charnelles,
C’est la première fois que ça m’est arrivé
de me faire slutshamer.

Et ça ne s’est jamais arrêté:
Constamment jugée,
parce que soi-disant trop dénudée
vous m’étiez volés
vous n’étiez plus ma propriété

vous n’étiez plus naturels
vous étiez sexuels.

« On voit ces bretelles
ça se voit qu’elle veut du sexe, elle !»
« C’est pas en étant vulgaire
que tu vas lui plaire! »
« Tu devrais te respecter
sinon faudra pas t’étonner de te faire violer! »
Phrases qui resteront gravées
dans mes pensées,
qui seront difficile à éradiquer
malgré leur stupidité.

Nous vivons donc une relation ambivalente
qui ne fut à vivre pas évidente.
Dans mon quotidien je n’osais vous regarder
juste après ma douche je me précipitais pour vous cacher
de toute façon vous ne faisiez pas
la même taille et ça a eu le don de me complexer. Vous arboriez même des traces dégueulasses
de votre développement,
marque rouge que je ne pouvais regarder dans la glace
sans me dévaloriser affreusement.

Quel fut mon étonnement,
quand vers mes 20 ans,
pour la première fois
j’ai arboré des soutien-gorge plats.
Et je n’eus plus cette constante impression
que vous n’étiez qu’objets d’attraction.
Que je vous ai replacés à cette juste place la même que ma face.

la même que ma face.
Vous n’étiez plus une partie différente,
vous étiez comme les autres juste présente.

Je peux désormais vous regarder,
vous sexualiser,
quand j’en ai envie
tout comme les autres parties
de cette chair qui entoure mes os
et qui forme ma peau.
Vous n’êtes pas sexuellement supérieurs
ou inférieurs aux autres parties de mon corps.

Je ne peux m’empêcher,
de repenser
à cette fois ou vous avez provoqué,
une engueulade enflammée
avec mon ancien copain,
qui marqua de notre relation la fin.
Ils vous reprochait de vous être montrés
sur un plage dénudés,
et argumentait que le plaisir de vous admirer
lui était strictement réservé.
Il voulut de vous faire sa propriété. Dans quel monde vit-on pour qu’il ait assimilé
qu’il avait le droit de décider
que vous n’aviez pas le droit de bronzer?

Je ne veux pas l’incriminer
car il ne fait malheureusement pas part d’une minorité.
De nos corps beaucoup pensent pouvoir diriger
ce qui est autorisé d’effectuer.
Et si d’un élan de liberté
nous allons contre leur volonté;
nous serons stigmatisée
de dépravée. hystérique nonne ou frustrée.

A mes vingt et un ans
J’ai fait un truc étonnant
avec une amie d’enfance.
Pour me marrer je me suis amusée
dans du plâtre à vous mouler.
Et vous êtes désormais affichés
à mon mur comme une fierté.

A mes vingt-deux ans pour la première fois
je vous ai utilisés, ma foi,
pour essayer de déconstruire,
ce que la société continue à instruire.

J’ai écrit sur vous, un message essentiel;
JE NE SUIS PAS SEXUELLE.

C’était si plaisant de sentir les rayons du Soleil
réchauffer pour la première fois, mon torse fier.
Torse, qui pour une fois n’était pas instrumentalisé
dans un but grossier de sexualité
mais bien pour un message fort, délivrer.

Cette étrange journée
où j’ai osé vous montrer,
elle fut bien compliquée. Compliqué
de vous dévoiler après tant d’années.
Peur du jugement
que lors de ce 14 juin les gens
allait porter sur vous, porter sur cette action.

Mais c’est accompagnée
d’une multitude de femmes fortes
que j’ai osé de la sorte
regagner du pouvoir,
sur cette partie de mon corps que la société croyait m’avoir
subtilisée à coup de normes insensées.

Et même si malheureusement
vous continuez à vivre la majeur partie de votre temps
sous mille couches cachés,
car le regard des autres, lui n’a pas changé,

dans mon esprit vous êtes maintenant différents.
Et ça c’est le plus important.

Vous avez un parcours complexe
parfois utilisé dans une partie de sexe.
Une fois grâce à vous j’ai eu un orgasme,
vous m’avez fait ressentir d’intenses spasmes.

Mais la plupart du temps
vous n’êtes pas importants.
Vous n’êtes que deux vulgaires tas de graisse
et je suis heureuse d’être enfin à l’aise,
de vous considérer comme ce que vous êtes
et pas comme cette idée réductrice que l’humanité a en tête.

Le chemin sera long pour que toutes les personnes porteuses de seins puissent avec eux entretenir un rapport sain.
Et comme pour beaucoup d’autres réalités insensées
j’espère que sur ce point notre société va évoluer.

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