Commerces en danger
Photo : Khyoria
COMMERCES • Les arcades d’Anthropole abritent des petits commerces depuis l’inauguration du bâtiment en 1987. Zoom sur ses magasins qui contribuent à faire de l’Unil une véritable cité indépendante de Renens et Lausanne.
Vous connaissez sûrement la librairie Basta si vous faites partie de la moitié des universitaires qui lit ses livres de cours. Vous savez tout d’Itopie, le magasin qui lui fait face, si vous appartenez au centième des étudiant·e·s qui ont lu notre avant-dernier numéro. Mais que pouvez-vous dire des trois boutiques quelques pas plus loin dans le même couloir?
Petits commerces en danger
L’épicerie Epicentre, la Papeterie Ennas et le salon de coiffure Katia Créa’Tif forment l’autre noeud commercial de l’Anthropole. La semaine, ces commerces de proximité offrent leurs services à la communauté isolée de Dorigny. Pourtant, leur existence est en danger. Epicentre, établi depuis 10 ans à l’Unil, a ainsi fermé ses portes il y a quelques jours. La papeterie Ennas et le salon Katia Créatif ont eux vu leur chiffre d’affaires diminuer ces dernières années. «Le Covid-19 nous a fait très mal», témoigne Valeria Mangani, gérante de l’établissement, «non seulement, nous avons dû fermer pendant un an, mais en plus, le matériel pédagogique s’est digitalisé: les étudiant·e·s travaillent davantage sur leur ordinateur et moins sur papier».
Hormis le Covid-19, la Papeterie Ennas a aussi dû faire face à de nouveaux concurrents au sein même d’Anthropole: «avec la création de la Reprographie, nous avons perdu 35% de chiffre d’affaires. Avant, le corps professoral et les étudiant·e·s se tournaient vers nous pour relier leurs polycopiés, aujourd’hui, ils sont redirigés vers ce service de l’université». Même si la clientèle revient progressivement selon Mme Mangani, il ne lui est plus aussi facile de rentrer dans ses frais qu’auparavant. Que perdrions-nous si ce commerce venait à disparaître?
Proximité et flexibilité
«On propose ce qu’on nous demande»: voilà la philosophie de Mme Mangani, née Ennas. «Nous sommes une papeterie, notre expertise porte donc sur le papier et le matériel d’écriture. Mais nous sommes aussi un commerce de proximité, dans un campus éloigné de la ville. A ce titre, nous devons être à l’écoute des besoins de la communauté universitaire». Le stock de la papeterie a ainsi intégré au fil des ans des prises, des chargeurs et même… des cigarettes. D’abord rétive à cette demande des corps professoral et estudiantin, Mme Mangani a décidé de proposer ce produit pour contenter la demande. Et ce même si ce commerce ne lui rapporte presque rien: «les marges sont si faibles que si vous payez avec la carte bancaire, on perd 10 centimes sur le paquet!». Pour son plus grand plaisir, on lui demande aussi des papiers et des stylos particuliers, qu’elle commande et reçoit dans les 24 heures. Et pour des prix raisonnables à ses dires: «je vends tous mes produits au prix recommandé par le fournisseur et je conseille toujours à mes client·e·s l’option la plus rentable. Mais attention, cela ne correspond pas toujours à celle la moins chère! Si vous écrivez à la plume par exemple, acheter un papier coûteux mais de bonne qualité est avantageux: il absorbe moins d’encre et vous consommez moins de cartouches pour le même nombre de mots. Or, l’encre coûte trois fois plus chère que le papier!». Seules la Migros et la Coop vendent moins cher à la pièce, grâce aux économies d’échelle que leur permet l’étendue de leur clientèle. Les récentes révélations de la RTS sur les marges de ces deux entreprises interrogent toutefois: à l’achat d’un stylo, préfère-t-on donner 50 centimes au duopole de l’agroalimentaire ou 70 à un commerce qui nous dépanne juste avant un examen?
Hadrien Burnand