Candidat·e·s aux Fédérales
POLITIQUE • Benjamin Meuwly, Romane Benvenuti, Léa Pacozzi et Elouan Indermühle font partie des 1942 candidat·e·s romand·e·s à s’être lancé·e·s dans la course aux élections fédérales. Alors que les partis de jeunesse ne récoltent qu’un nombre limité de suffrages, L’auditoire s’est demandé quelles étaient les motivations de ces politicien·ne·s encore aux études.
Dans un Parlement suisse où la moyenne d’âge est à 51 ans à la Chambre basse et 57 ans à la Chambre haute, il est légitime de se questionner sur la présence, dans le pays, de jeunes adultes engagé·e·s en politique. Pourtant, ils·elles sont motivé·e·s. Les quatre candidat·e·s au Conseil national définissent tous et toutes leur section — les Jeunes UDC, les Jeunes Vert·e·x·s, la Jeunesse socialiste et les Jeunes Libéraux-Radicaux — comme indépendante et proche idéologiquement du parti mère, mais… ils·elles osent aller plus loin. C’est un calcul politique, selon l’UDC Elouan Indermühle. En effet, comme les listes électorales des Jeunesses sont sous-apparentées, les voix sont reportées à la branche principale du parti. Les propositions plus clivées permettent ainsi de ratisser plus largement dans l’échiquier politique. Par exemple, la Jeunesse socialiste vaudoise défend la lutte contre le capitalisme — défini par Léa Paccozi comme «un système de surconsommation, de surproduction», avec l’enrichissement des plus riches — et la décroissance, plutôt que de «trouver des solutions alternatives pour continuer dans le même système», explique-t-elle.
Un apprentissage politique
Si les Suisses de 18 ans à 30 ans représentaient 18% de la population fin 2019, seules deux personnes de cette tranche d’âge sont présentes au Parlement. «C’est un peu impossible, d’être élu en tant que jeune», reconnaît Benjamin Meuwly. Cependant, il s’agit d’apporter de «la visibilité pour les idées qu’on porte, pour soi-même». Le Jeune PLR, tout comme Elouan Indermühle, mentionnent l’enjeu formateur de la campagne électorale.Dans un champ politique majoritairement âgé et masculin, prouver sa légitimité s’avère parfois difficile. Pour contrer les «barrières dans nos têtes», la socialiste Léa Pacozzi précise que l’opinion des jeunes adultes intéresse les plus âgé·e·s. «Voter pour les jeunes, ce n’est pas voter pour des gens qui ne sont pas capables», ajoute Benjamin Meuwly. Le libéral-radical rejette la corrélation entre le manque d’expérience et la compétence.
Au sein de l’UDC, Elouan Indermühle indique qu’il est difficile d’«être convaincant·e·s» lorsque l’on est jeunes. Au contraire, chez les socialistes ou les écologistes, «on essaie de gommer un maximum l’âge» pour valoriser «la volonté et l’engagement, ce qui est très louable chez les partis de gauche», explique le Lausannois.
Mobiliser la nouvelle génération d’électeur·rice·s
La participation électorale des jeunes est une préoccupation pour les politicien·ne·s interrogé·e·s. «Ça me désespère un peu», souffle Romane Benvenuti. Pour contrer ce phénomène, la Verte a la volonté de mobiliser son entourage ou les passant·e·s afin «qu’un maximum de gens votent pour les enjeux» qu’elle considère importants.
Portrait Etudiant·e·s
Lea Pacozzi 23 ans
En passe de terminer son Master en administration publique à l’Université de Lausanne et ancienne co-présidente de la Fédération des Associations d’étudiant·e·x·s (FAE), elle s’est battue durant la pandémie de Covid-19 pour les enjeux liés aux étudiant·e·s, avant d’intégrer l’Union des Etudiant·e·s Suisses (UNES). Son adhésion au PS en a résulté afin de continuer à défendre les valeurs sociales, notamment dans la commune d’Epalinges où elle a été élue conseillère communale.
Romane Benvenuti 21 ans
Fraichement diplômée d’un Bachelor en sciences sociales, Romane Benvenuti s’est également engagée en politique en automne 2020. Si les enjeux sociétaux ont toujours capté son intérêt, son penchant pour la politique a surtout fleuri après son adhésion aux Jeunes Vert·exs – un «parti de jeunes qui se bat pour son futur parce qu’il craint l’urgence climatique» – et son élection au conseil communal de Lausanne.
Les personnes les plus mobilisées ne seront pas impactées par «le réchauffement climatique ou toutes les crises politiques qu’on va subir», indique-t-elle en référence au taux de participation électorale élevé des retraité·e·s. Benjamin Meuwly, pour sa part, spécifie qu’il préfère encore «que les gens votent pour quelqu’un d’autre» que lui à la place de ne «rien faire du tout». Selon lui, «il faut oser exprimer son avis, ses idées». Voter permet également de se positionner face aux injustices, considère Elouan Indermühle. Si les jeunes ne souhaitent pas participer, ils·elles ne peuvent pas se plaindre «que la Suisse va dans une certaine direction», estime-t-il.
En cas d’élection, car «rien n’est impossible en démocratie», sourit Benjamin Meuwly, chaque candidat·e souhaite porter ses idées et ses valeurs sous la Coupole fédérale. Pour l’étudiant en lettres, trois points du programme des JLR vaudois le touchent particulièrement. Il s’agit tout d’abord de réhabiliter le nucléaire pour la transition énergétique, afin de «se débarrasser des énergies fossiles». Il désire éviter que les couples mariés perçoivent plus d’impôts que les concubins, en instaurant l’imposition individuelle. Son troisième cheval de bataille est la légalisation du cannabis, pour permettre d’engendrer des revenus à l’État grâce aux taxes, mais aussi de protéger les consommateur·rice·s. La Jeunesse socialiste vaudoise se concentre sur quatre thématiques: l’immigration, l’écologie, le pouvoir d’achat et le féminisme. Les deux derniers points cités sont ceux où Léa Pacozzi se retrouve le plus.
Portrait Etudiant·e·s
Benjamin Meuwly 22 ans
L’étudiant en lettres à l’Université de Lausanne a rejoint en septembre 2020 le PLR, «le parti de la liberté, de l’innovation celui qui n’a pas peur du futur», comme il l’a lui-même défini. Secrétaire général chez les jeunes libéraux-radicaux vaudois et chargé de projet dans le cadre de la campagne pour les fédérales du parti mère, il baigne dans la politique depuis son enfance.
Amener ses idéaux à Berne
En s’impliquant en politique, la conseillère communale d’Epalinges s’est rendue compte des différences genrées en termes d’images et de crédibilité. «Quand tu es une femme, il faut avoir une position de pouvoir pour qu’on te prenne au sérieux», déplore-t-elle. Elle veut se battre pour un système plus égalitaire, à travers une répartition plus juste des richesses entre les grandes fortunes et les plus démuni·e·s. Romane Benvenuti souhaite aussi une meilleure distribution des ressources à travers «une plus grande taxation des personnes ultra-riches en Suisse». Elle aimerait une revalorisation des bas salaires, des retraites et du travail féminin. En termes de lutte contre la crise climatique, la jeune sociologue préconise un changement des «dynamiques des grandes entreprises qui polluent le plus» et des placements financiers de la Confédération. En somme, la décroissance paraît être, pour la Verte, la seule solution afin de combattre ces problèmes structurels. La politique étrangère est l’intérêt principal d’Elouan Indermühle. Il souhaiterait par conséquent que la Suisse adhère aux BRICS, un consortium composé actuellement du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. Le but serait de prendre le contre-pied des mesures pro-occidentales et se tourner vers «les pays émergents qui ont le droit de revendiquer une recentralisation du pôle décisionnel de la planète». Cela permettrait à la Suisse de «revitaliser» sa position de nation neutre.
Elouan Indermühler 26 ans
Elouan indermühle siège aussi au Parlement de la Ville de Lausanne et figure sur la liste des Jeunes UDC. Le futur étudiant en Relations internationales à l’Université de Genève est rodé, puisqu’il s’agit de sa troisième participation aux élections fédérales. Membre du parti agrarien depuis 2009, il considère que son orientation politique résulte de son chemin de vie et défend la souveraineté de la Suisse.
En termes de politique intérieure, le jeune UDC postulerait pour une libéralisation du marché du suicide assisté afin que les personnes qui souhaitent mettre fin à leurs jours puissent le faire «en toute dignité». Il s’agirait de créer une «structure avec un accompagnement psychologique et légal». Ce pari sur l’avenir permettrait d’éviter un choc pour les proches et de briser le tabou du suicide en rendant la population «plus apte à parler du mal-être».
Des inquiétudes et des espoirs
Pour Romane Benvenuti, le manque de mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et la peur de la migration occasionnée par les «conditions climatiques que l’on a nous-mêmes causées», se traduisant par un vote pour la droite ou l’extrême droite, la paralysent. La Verte souligne toutefois une «prise de considération d’un environnement plus adapté au changement climatique» dans les villes. La socialiste Léa Pacozzi estime qu’avec sa politique climatique, la Suisse va un peu droit dans le mur. Elle espère par conséquent la mise en place d’un filet social solide pour éviter que les plus démuni·e·s paient pour toute la population. Elle se félicite tout de même que son parti soit «suivi par la population sur plusieurs thématiques» notamment à travers la lutte pour les droits sociaux et le pouvoir d’achat.
Également inquiet pour le climat, le libéral radical Benjamin Meuwly se bat contre la décroissance, qu’il considère comme «notre tombeau plutôt que notre renouveau». Il souhaite aussi une meilleure pérennisation du système social suisse. Il évoque d’ailleurs sa crainte, définie comme secondaire, du wokisme, «un problème moral qui prend de plus en plus de place dans le champ politique». Il se montre cependant optimiste pour l’avenir grâce aux «jeunes qui s’engagent dans tous les partis» avec la volonté de «régler les problèmes». Elouan Indermühle, de son côté, évoque «la dictature du politiquement correct et l’individualisme, avec l’impression qu’aujourd’hui, dans la tendance sociale des gens, on essaie de diviser les individus au lieu de les rassembler». Il redoute que cela débouche sur un conflit sociétal. L’UDC rappelle cependant les résultats du sondage mandaté par la SSR, qui définit les shabitant·e·s comme majoritairement heureux·ses. Ce «bonheur d’être Suisse signifie que la population est capable de réflexions, qu’elle est consciente de ses privilèges et qu’elle souhaite les chérir», conclut-il.
Propos recueillis par Mérande Gutfreund