Ça a géchan, les héroïnes

Photo : ©Ella Don

ICÔNES • Qu’elles soient dans les jeux vidéo ou les bandes dessinées, les héroïnes sont omniprésentes… et les stéréotypes qui leur sont associés aussi. Une jeune association lausannoise tente de renverser la vapeur: Femigeeks, qui lutte pour mettre en avant des contenus safe.

Quand on ouvre un manga, on est rapidement frappé·e par le style propre à chaque mangaka, mais également par certains stéréotypes qui se répètent au fil des pages… En effet, au fur et à mesure des scènes d’action, on remarque un certain nombre de redondances sur les personnages féminins: les femmes ont une poitrine exubérante et des proportions très loin de la réalité anatomique.

«Il faut que les femmes puissent avoir un espace à elles»

Natalia Aravena – co-fondatrice de Femigeeks

Quand elles ne sont pas occupées à soigner un protagoniste masculin, elles sont bien souvent réduites à leur sexualité, alors même qu’elles ne sont parfois âgées que d’une quinzaine d’années…

L’heure du changement

Une toute jeune association a vu le jour en 2021 sur la scène lausannoise, au nom révélateur des idéaux qu’elle prône: Femigeeks. Comment ce projet a-t-il vu le jour? «Je suis gameuse depuis très longtemps. L’idée de l’asso est venue quand je cherchais des jeux sympas auxquels je pouvais jouer. Je voulais jouer une perso féminine et le problème est que je n’en trouvais pas, ou alors je tombais sur des choses qui ne me correspondaient pas», confie Natalia Aravena, co-fondatrice de Femigeeks. «Il faut que les femmes puissent avoir un espace à elles». L’association compte actuellement une petite poignée de personnes qui se complètent en fonction de leurs passions, de la BD aux jeux vidéo, en passant par les mangas. Leur but? «Créer une plateforme où des femmes peuvent piocher dans les oeuvres qui ont été passées au crible par les membres de Femigeeks. Ce sont des contenus safe, on met des trigger warnings s’il y a des soucis tels que de la violence par exemple». Cette association est pionnière dans son domaine en Suisse.

Une passion qui a son revers

En discutant un peu avec Natalia, on se rend vite compte que la communauté gamer n’est pas toujours safe. «Il y a plusieurs filles de l’asso qui refusent de mettre leur micro en multijoueur. Moi, je le fais», sourit Natalia. «Mais j’ai souvent eu des remarques. Certaines communautés sont réputées pour être toxiques – CS, LoL, etc. Mais j’ai un fort caractère, je ne laisse pas passer les remarques. Et je m’en sors plutôt bien dans la communauté dans laquelle je joue». Mais alors, comment faire pour améliorer cet espace?

Des jeux déjà biaisés

«Dans beaucoup de jeux, ce sont des personnages masculins qui sont les protagonistes, qui ont un physique spécifique, très musclé. Les femmes sont des amoureuses, l’objectif du jeu à atteindre, et sont très sexualisées, alors que ce n’est pas nécessaire pour l’histoire – par exemple dans le jeu Bayonetta. Mais avec le temps, il y a de plus en plus de jeux où tu peux créer toi-même ton personnage, comme Skyrim, Elden Ring», analyse Natalia. L’évolution serait-elle amorcée? «On y va gentiment. Mais ce n’est pas encore ça. Les personnages féminins ont des capacités de soin, on a peu de guerrières.» Nous évoquons ensuite des pistes d’amélioration. «C’est un problème structurel. Les boîtes qui conçoivent les jeux veulent engranger un bénéfice, et regardent donc ce qui fonctionne. Mais avec le Covid, on a remarqué que de plus en plus de femmes jouaient, et on commence à adapter les jeux – je pense à Assassin’s Creed, par exemple. Si on regarde les statistiques, je crois qu’il y a une fourchette de 30 à 40% des joueurs qui sont en réalité des joueuses», décrypte Natalia.

«Les femmes sont des amoureuses, l’objectif du jeu, et sont très sexualisées»

Natalia Aravena – co-fondatrice de Femigeeks

Et quid des personnes non-binaires, trans, ou plus généralement de la communauté LGBTQ+? Il y a des petits changements dans ce milieu. «Un jeu appelé Celeste est sorti récemment, qui métaphorise la transition. Et comme on peut de plus en plus modeler ses personnages, on peut avoir des relations avec des personnes de même sexe. Cela se démocratise petit à petit, même s’il y a toujours une petite frange de joueurs qui trouvent cela inadmissible». La route est longue, mais le mouvement est amorcé.

Pour plus d’infos:

https://www.instagram.com/femigeeks/

https://femigeeks.com/

Marine Fankhauser

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