Un océan, deux mers, trois continents de Wilfried N’sondé – 2018

Photo & rédaction par : Maxime Hoffmann

L’odyssée d’un prêtre noir au XVIe siècle. Tout le périple est dans le titre ! Une fois le livre refermé, après trois cents pages, le sentiment pointe que, aujourd’hui, la violence dans le monde n’a diminué et que la face sombre des humains reste la même. L’intrigue se construit autour de Nsaku Ne Vunda, un orphelin du royaume de Kongo, initié au catholicisme sous l’influence du colonialisme portugais et baptisé Dom Antonio Manuel. C’est une âme sincère que la foi porte vers les autres, vers ses prochains. Le séminaire terminé, il veille sur un village reculé et calme, où règne la modestie. Un jour, des cavaliers y entrent en trombe, effrayent les pauvres gens. Le narrateur rassure, ce ne sont pas des bandits : « Le capitaine de la garde royale se présenta comme l’émissaire de Sa Majesté […]. L’officier avait pour mission de m’annoncer que le monarque m’ordonnait de le rejoindre sur-le-champ dans ses quartiers de repos à Luanda ». Alvaro II, roi chrétien du royaume de Kongo, accueille alors Dom Antonio Manuel dans son palais. Tout y est cérémonial. Sa Majesté n’a pas l’air en confiance. La cour sent le parfum de la convoitise et de la corruption. Ce n’est qu’à l’abri des regards qu’Alvaro II ordonne au religieux sa véritable demande : représenter son pays au Vatican et d’instruire le Pape sur le commerce grandissant d’âmes humaines qui sévi en Afrique. Tous deux ont un même souhait que les habitants du continent noir « ne se résignent jamais au statut de bêtes de somme auquel on voulait les réduire, surtout qu’ils aient la force de conserver leur fierté et ne perdent ni le goût de la liberté ni la croyance qu’un jour viendrait où ils atteindraient les contrées paisibles et éternelles auprès de notre Seigneur ».

Ainsi commence un long périple. Comme dans tout récit de voyage, le regard se confronte à l’exotisme et le juge avec une perspective étrangère. Du Royaume du Kongo à l’Amérique du Sud, puis de celle-ci à l’Europe, le pauvre prêtre constate des sévices, dont l’inhumanité est seule le secret. On traite et on maltraite ! Voilà ce monde qui gravite entre commerce et violence. Des pirates les plus païens aux inquisiteurs les plus radicaux, le mal n’épargne que peu de monde.

Un souffle épique traverse le roman de long en large. Chaque chose, chaque mouvement, chaque émotion s’expriment dans un style lyrique et analytique qui multiplie les détails. Un goût pour la grandiloquence qui mime peut-être une voix du XVIe siècle. La tempête est alors bien plus que la tempête : « Dans les trous, le vent hurlait un rire hystérique, une mélodie de fin du monde cognait les tympans et pénétrait les cerveaux, à rendre fou le plus brave des matelots. Les lames de fond de l’océan se changèrent en un immense rouleau qui se divisait subitement en formant des béliers qui venaient martyriser la coque, les coups irréguliers anéantissant tout effort humain. Nous dérivions ». La tonalité est de bon ton lorsque gronde l’orage ou que les pirates à l’abordage mugissent, mais, dès lors qu’il est un rythme de croisière, il alourdit un récit qui se suffit amplement à lui-même. Car, l’enchaînement des scènes, bien qu’un peu attendu, fonctionne parfaitement. L’histoire est un tissu solidement brodé. Elle suit une trajectoire rarement entrecoupée par d’autres scénettes qui s’éloignent du personnage principal – deux ou trois petits complots qui influenceront le parcours de Dom Antonio Manuel.

Une histoire du monde et de ces dérives. D’abord celle d’un prêtre. Puis celle d’un peuple. Puis celle d’un continent. Puis celle du monde. En filigrane d’un récit efficace, transparaît l’hégémonie de la violence et l’appât au gain.

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