Le genre et la médecine sont-ils aussi compatibles que moi et mon match Tinder ?

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Rédigé par : Cassandre Moll

Médecine et genre · L’hôpital et la médecine – au masculin depuis des millénaires – sont au sexisme ce que la boite de Petri est au microbe. J’ai eu l’occasion d’en parler avec Joëlle Schwarz, co-responsable de l’Unité médecine et genre à Unisanté et chargée de cours à la Faculté de biologie et de médecine (FBM).

La grève des femmes du 14 juin 2019, les 50 ans de suffrage féminin et la mise en place du Collectif de Lutte contre les Attitudes Sexistes en milieu Hospitalier (CLASH) ont pu montrer que le genre et l’inclusivité (remise au centre du mouvement féministe, particulièrement lors du 14 juin 2020) ne sont pas que sujets de mode aisément contournables.

Résumé chronologique de l’implantation de la thématique du genre dans les études de médecine à Lausanne

C’est dans les années nonantes, correspondant aux prémices de la troisième vague féministe, que Lausanne et Bâle débutent enfin un travail de fond pour mettre en place des enseignements liés aux genres. C’est seulement en 2005 qu’un cours « santé et genre » est mis en place pour les étudiant·e·s de premières années de médecine. Pas nécessairement inclusif, ce cours vise surtout à souligner dans une optique binaire les différences entre hommes et femmes que l’on retrouve dans le monde de la santé. La non-binarité du genre est quant à elle abordée dans un second temps.

En plus de représenter une reconnaissance institutionnelle de la thématique, un financement alloué par la faculté de biologie et de médecine permet d’intégrer des cours sur le genre ainsi que d’engager un expert en sciences sociales puis Joëlle Schwarz, qui répond à mes questions pour cet article. Des fonds obtenus de l’UNIL pour l’innovation pédagogique permettent eux l’établissement d’un cours sur les biais de genre dans les pratiques cliniques pendant les cours blocs. En parallèle, une commission médecine et genre voit le jour en 2017. Deux étudiant·e·s en médecine peuvent y participer et suggérer des améliorations sur les enseignements liés au genre. Des cercles de qualité constitués de médecins assistant·e·s sont également mis en place, et offrent à ceux-ci et celles-ci l’opportunité de discuter de cas concrets concernant cette même problématique.

Les objectifs d’enseignement de médecine en Suisse définis au niveau fédéral sont révisés en 2017. Une personne impliquée dans cette révision propose à la Commission médecine et genre – présidée par la Professeure Carole Clair – d’ajouter des objectifs liés au genre. Remédiant à la situation, elle permet la fixation de sept objectifs liés à cette thématique.

Le genre et l’inclusivité ne sont pas que des sujets de mode aisément contournables

Au printemps 2018, quatre étudiantes en médecine ont été témoins d’attitudes sexistes lors de leurs stages en milieu hospitalier. Elles décident alors de sonder leurs pairs dans l’optique de déterminer quel pourcentage aurait connu la même situation. Plus de la moitié de celles et ceux ayant répondu le font par la positive. Ces résultats sont médiatisés et le CHUV est forcé de réagir mettant en place charte, antenne téléphonique et campagne de sensibilisation au harcèlement sexuel. En 2019, la FBM instaure un enseignement skills obligatoire pour tou·te·s sur le sujet du harcèlement sexuel.

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Maintenant c’est bon, le sexisme c’est fini

Actuellement, la thématique du genre est de plus en plus ancrée dans les études de médecine en Suisse, alors que la France n’en est qu’aux prémices. L’année passée, une synergie s’est établie entre les écoles de médecine de Suisse quant aux questions de genre. On remarque ainsi que la FBM de Lausanne serait plutôt en avance par rapport aux autres, un enseignement médecine et genre y ayant été instauré dans cinq des six années d’études de médecine. L’avance de certaines écoles de médecine par rapport à d’autres donne une impulsion politique aux retardataires.

Actuellement, la thématique du genre est de plus en plus ancrée dans les études de médecine en Suisse

Pour ce qui est du futur, il faudrait déjà convaincre certains médecins de ne plus pratiquer leur art dans une optique androcentrée. C’est seulement ensuite que l’on pourrait commencer à modifier cette approche actuellement excessivement binaire en termes biologiques, en invoquant également l’implication des caractères sociaux, d’âge, d’ethnie, etc. pour expliquer ce que l’on peut voir.

En conclusion non, on ne se débarrassera probablement pas du sexisme avant que le réchauffement climatique nous rattrape, mais ça vaut quand même la peine de lutter.

Non ?

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