Au balcon de la sororité
Cinéma — Le Geneva International Film Festival (GIFF) projette, pour sa 30ème édition, le deuxième long-métrage de Noémie Merlant, actrice et réalisatrice notamment connue pour son rôle dans Portrait de la jeune fille en feu (2019) de Céline Sciamma, avec qui elle co-écrit Les Femmes au Balcon. L’auditoire s’intéresse à ce film qui mêle habilement la comédie à l’horreur. Cet article contient de légers spoilers et traitent, tout comme le film, de thèmes difficiles, comme les violences sexistes et sexuelles.
Du féminisme mis en pratique
Le 7 novembre 2024, aux Cinémas du Grütli, une salle remplie éclate de rire, avant que des exclamations de dégoût n’émanent du public, pour enfin laisser place à l’émotion et aux larmes, que le public finira vite par sécher.
“Et si je tuais quelqu’un, est-ce que tu m’aiderais à cacher le corps?” est une question que nous avons sûrement déjà tous·tes posée à nos ami·e·s. Merlant illustre ce dilemme en racontant l’histoire de trois femmes – Élise (Noémie Merlant), Nicole (Sanda Codreanu) et Ruby (Souheila Yacoub) – qui observent leur voisin mystérieux au cœur de la chaleur des balcons marseillais. Le récit tourne rapidement au délire fiévreux d’une nuit cauchemardesque, où les trois femmes se retrouvent prisonnières des méandres du crime et de l’horreur. Le film, dès son ouverture, nous place dans une atmosphère colorée, où la chaleur est étouffante, comme la présence masculine. Les plans sont splendides, immersifs, et dûment réfléchis. On virevolte d’un balcon à un autre, tantôt chez l’artiste torturé, tantôt chez la ménagère.
Ce qui plaît tant dans ce film est qu’il représente avec une précision envoûtante le noyau même des amitiés féminines à travers ces protagonistes — trois femmes, trois amies, trois sœurs — toutes aussi différentes qu’unies. Dans l’appartement de Nicole, on se balade en sous-vêtements, on y est volontiers vulgaire, on y rit autant qu’on y pleure et surtout “on est nous-même, seulement entre nous-mêmes” comme l’affirme Élise. Ce long métrage expose une réalité glaçante, celle des rapports de domination entre hommes et femmes avec un ton d’humour et d’absurdité parfaitement calculé.
Une fable cathartique
Les Femmes au balcon monte en crescendo vers une absurdité à laquelle on s’identifie volontiers jusqu’à mener à une scène aussi grave que comique. Les trois femmes jettent le corps du voisin à la mer, dans une frénésie féministe et salvatrice, et remarquent la présence d’un autre trio de femmes, faisant exactement la même activité. Cette scène témoigne de l’aspect universel et profondément sororal du film — c’est une femme qui te prête un tampon dans les toilettes, une femme qui t’enlève le rouge à lèvre des dents, une femme qui s’indigne avec toi face aux actions des hommes, une femme qui te soutient lorsque le poids du monde s’abat sur toi, c’est une femme qui cache un corps avec toi.
La séquence qui suit, où nous avons le plaisir d’admirer des hordes de femmes se baladant dans les rues marseillaises avec les seins nues et le sourire aux lèvres, fait le portrait d’une quasi-utopie et d’un entre-soi féminin plus que souhaitable.
Les Femmes au Balcon est un tour de force de sa réalisatrice et de ses actrices. Il offre un portrait délirant et authentique de l’expérience féminine, tout en apportant à son public la garantie d’un moment jouissif, émouvant et parfois terrifiant. Ce long-métrage est absolument à voir sur grand écran, dès sa sortie en salle le 11 décembre prochain.
Tamara Wanja