Congélation d’ovocytes: moyen d’émancipation ou risques sous-estimés?
Maternité • L’âge de la première maternité ne cesse de reculer. En 2017, les Suissesses avaient leur premier enfant à 30,8 ans. Mais cet âge moyen ne pourra pas continuer à augmenter en raison des limites biologiques. En effet, la fertilité décline très rapidement dès l’âge de 35 ans. La congélation d’ovocytes permet ainsi de figer la qualité de ses ovocytes à un moment donné, et donc de retarder la maternité.
La vitrification ovocytaire existe depuis les années 1980. Toutefois, jusqu’en 2012 aux États-Unis cette procédure était considérée comme expérimentale. Cette année-là, la congélation d’ovocytes a été approuvée pour les femmes atteintes de cancer, et donc sur le point de recevoir un traitement toxique susceptible de les rendre infertiles. Deux ans plus tard, après des recherches rassurantes sur cette pratique, l’ASRM (American Society for Reproductive Medicine) a donné son feu vert pour un déploiement plus général de la congélation d’ovocytes.
Une idée qui séduit de plus en plus
Qu’elles soient célibataires, prises par leurs études ou leurs carrières, les femmes ont de plus en plus recours à la cryogénisation d’ovocytes. En effet, A l’UZ Brussel, un établissement hospitalier affilié à l’université, dix-huit femmes ont congelé leurs ovocytes en 2010, contre cent soixante-deux en 2021. Selon une étude publiée dans la revue Fertility and Sterility, il a été constaté aux États-Unis, de 2019 à 2021, une augmentation de 39% de procédures de congélations d’ovocytes à des fins non médicales.
Ce procédé conserve les ovocytes dans de l’azote liquide à -196°C, figeant ainsi la fertilité d’une femme dans le temps en conservant la qualité des ovocytes au moment de leur prélèvement. Ainsi, l’âge optimal pour faire congeler ses ovocytes se situe avant trente-cinq ans ans, soit avant le déclin de la fertilité. Par ce procédé médical, on propose en quelques sortes aux femmes d’acheter du temps.
Une émancipation qui a un prix
Néanmoins, la congélation d’ovocytes possède un élément dissuasif de taille, à savoir son prix. En effet, une congélation coûte environ 6’000 francs. Après l’opération, il faut aussi payer les frais de stockage, soit environ 300 francs par an. La durée du stockage est cependant limitée. En Suisse, la loi ne permet pas de conserver ses ovocytes au-delà de dix ans.
Prélever des ovocytes est beaucoup plus compliqué que de récolter des spermatozoïdes. En effet, les femmes doivent subir un traitement hormonal pour stimuler leurs ovaires et produire un maximum d’ovocytes. Il faut ensuite extraire une vingtaine d’ovocytes afin d’avoir 75% de chances de réussite de grossesse. Malgré le traitement hormonal, la plupart des femmes n’en produisent pourtant qu’une dizaine. Pour maximiser les chances, une double ponction est alors nécessaire. L’opération, sous anesthésie générale, recueille les ovocytes par aspiration du liquide folliculaire. Comme toute opération effectuée sous anesthésie, le processus présente donc des dangers.
De plus, malgré toutes ces étapes, une grossesse n’est pas garantie plus tard. Le taux global de grossesse avec une décongélation d’ovocytes se situe entre 4,5 et 12 %. Les risques d’hypertension pendant la grossesse seraient aussi plus élevés que lors d’une conception naturelle.
Un problème sociétal?
Les femmes font de plus en plus d’études, et désirent, après leur formation, évoluer et progresser dans le monde du travail. Or, il est compliqué pour une femme de concilier carrière et maternité, les deux fonctions impliquant un investissement conséquent. De plus, dans le milieu professionnel, avoir des enfants porte davantage préjudice aux mères qu’aux pères de famille.
La congélation d’ovocytes pourrait ainsi permettre aux femmes de se défaire d’un poids. Elles pourraient faire de longues études et évoluer dans leur travail, tout en ayant la possibilité future d’avoir des enfants lorsqu’elles en auraient le désir. Néanmoins, est-ce une bonne chose de faire subir ces traitements à des femmes fertiles par simple mesure de précaution? Ne faudrait-il pas que la société change afin de permettre aux femmes de concilier tant le domaine professionnel que personnel?
Lucie Marcel