Fonds marins: trésors convoités
OCÉANOGRAPHIE • Saignée à blanc, la Terre arrive au bout de ses ressources de surface, nécessaires à nos nouvelles technologies. La Norvège est l’un des premiers pays à envisager sérieusement l’exploitation des fonds marins pour combler ce manque.
Après l’Antarctique et la Lune, les fonds marins? L’exploration de nouvelles contrées dans le dernier siècle par l’espèce humaine a suscité de nombreuses convoitises pour les ressources naturelles présentes sur ces territoires. Alors que l’Antarctique, terra nullius qui n’appartient à aucune nation, bénéficie d’un traité de non-exploitation, il pourrait en être autrement des fonds marins. En effet, la Norvège a récemment exprimé sa volonté d’exploiter les fonds marins de ses eaux arctiques. Au contraire du continent antarctique, la région Arctique comprend six pays (Russie, Norvège, Danemark, Islande, Canada et États-Unis) qui cherchent à s’approprier les richesses naturelles présentes dans leurs eaux territoriales entourant le pôle Nord. Cette nouvelle a incité plusieurs groupes à se positionner contre le projet et à rappeler les dangers liés à l’exploitation minière en eaux profondes, notamment l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM).
Zone nationale, zone exploitable
Créée en 1994, l’AIFM est un organisme faisant partie de l’ONU et visant à la régulation de l’exploration et de l’exploitation des fonds marins, c’est-à-dire à une profondeur de plus de 200m. L’AIFM n’a cependant aucune autorité sur les eaux nationales (dont les zones économiques exclusives), mais contrôle les eaux internationales, qui englobent la majorité des océans. Les projets du gouvernement norvégien, pour l’instant freinés par les pressions internationales, font craindre le pire pour les défenseur·e·s de la cause. Cela pourrait déclencher un effet domino susceptible de «susciter des convoitises dans d’autres pays», comme l’affirme Iris Menn, biologiste marine et directrice de Greenpeace Suisse. En effet, d’autres nations et entreprises pourraient vouloir passer à l’acte. La Suisse, favorable à un moratoire, fait pour l’instant partie des opposants à ce projet. Alors qu’il est impossible de légiférer l’exploitation minière des nations à l’intérieur de leur propre territoire, une pression assez importante pourrait en dissuader certaines. De plus, les eaux internationales, au statut incertain, sont encore à protéger.
Un écosystème à protéger
L’ampleur des conséquences environnementales d’une exploitation minière est encore mal connue par les scientifiques, ce qui incite encore davantage à avancer avec précaution. On sait toutefois que l’extraction de couches de minéraux présents dans les fonds marins, comme le souhaiterait la Norvège, serait dévastatrice pour l’écosystème sous-marin. Ce dernier, loin d’être l’abysse désert que l’on pourrait imaginer, regorge de vie, de paysages et, bien sûr, de minéraux. «Ces écosystèmes sont extrêmement fragiles, extrêmement vulnérables», explique Samuel Jaccard, professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement à l’Unil dans un podcast de la RTS en 2023. La transition énergétique des dernières années a fait exploser la demande en minerais pour remplacer les énergies fossiles, notamment en cobalt, nickel, manganèse, fer, zinc et cuivre, que l’on retrouve en quantité massive dans les sous-sols océaniques. Le prix à payer pour ces nouvelles technologies devient pour
Alice Côté-Gendreau