Article rédigé par : Killian Rigaux

NEUROSCIENCES • Qu’est-ce qui provoque une émotion ? La réponse passe par l’étude des mécanismes neuronaux. Ron Stoop, professeur de neurosciences à l’Université de Lausanne, a découvert le rôle de l’ocytocine, un neuromodulateur de la peur, et continue d’étudier ses effets pour aider ses patient·e·s.

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NEUROSCIENCES • Qu’est-ce qui provoque une émotion ? La réponse passe par l’étude des mécanismes neuronaux. Ron Stoop, professeur de neurosciences à l’Université de Lausanne, a découvert le rôle de l’ocytocine, un neuromodulateur de la peur, et continue d’étudier ses effets pour aider ses patient·e·s.

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NEUROSCIENCES • Qu’est-ce qui provoque une émotion ? La réponse passe par l’étude des mécanismes neuronaux. Ron Stoop, professeur de neurosciences à l’Université de Lausanne, a découvert le rôle de l’ocytocine, un neuromodulateur de la peur, et continue d’étudier ses effets pour aider ses patient·e·s.

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A l’origine de la peur

Article rédigé par : Killian Rigaux

NEUROSCIENCES • Qu’est-ce qui provoque une émotion ? La réponse passe par l’étude des mécanismes neuronaux. Ron Stoop, professeur de neurosciences à l’Université de Lausanne, a découvert le rôle de l’ocytocine, un neuromodulateur de la peur, et continue d’étudier ses effets pour aider ses patient·e·s.

Pourquoi la recherche sur les émotions passe-t-elle souvent par l’étude de la peur ? Les comportements caractéristiques qu’elle induit la rend plus facile à observer que d’autres émotions. Le professeur Ron Stoop, à la tête de l’unité de recherche sur la neurobiologie de l’anxiété et de la peur, étudie cette émotion depuis près de vingt ans. Son laboratoire est établi au Centre de Neurosciences Psychiatriques (CNP) de l’hôpital de Cery, à Lausanne, où peur et stress sont monnaie courante. « Les patient·e·s atteint·e·s de la maladie d’Alzheimer peuvent devenir très anxieux·euses, ce qui est parfois plus embêtant que la maladie », explique le professeur de médecine de l’Université de Lausanne. « Lorsque des soignant·e·s viennent s’occuper des patient·e·s, deux profils se distinguent : certain·e·s acceptent facilement l’aide et d’autres ont plus de peine, car il·elle·s veulent contrôler la situation. Ce comportement peut être expliquée par leur personalité d’attachement sécure ou insécure. » Pour essayer d’aider à la prise en charge des patient·e·s, le groupe de recherche étudie une hormone neuropeptidergique, l’ocytocine. La quantité de cette hormone responsable de la modulation entre les neurones augmenterait lors d’un contact social et avec différents niveaux selon leur personnalité, provoquant le phénomène d’atténuation de la peur plus ou moins fort chez ces patient·e·s.

De l’allaitement à la peur
Dans les années 1950, l’ocytocine n’était pas reliée à l’expression de la peur, mais à son rôle dans l’allaitement, qu’elle favorise en stimulant la contraction des muscles lisses dans le sein. Au début des années 2000, l’équipe de Ron Stoop poursuit le travail fait par Mario Raggenbass et Jean-Jacques Dreifuss sur l’ocytocine à l’Université de Genève. Ainsi, en 2005, l’équipe du chercheur néerlandais prouve que l’ocytocine affecte le mécanisme de la peur. Le neuropeptide a les avantages d’être très facile à appliquer sur des tranches de cerveau et le plus grand nombre de récepteurs l’accueillant sont logés dans l’amygdale. Cette zone du cerveau étant responsable de déclencher des réactions physiologiques liées à la peur, telles que le changement des battements du cœur, de la respiration ou le figement. Lorsqu’un danger se présente, l’amygdale réagit très rapidement, avant que la menace ne soit parfaitement identifiée et entraîne parfois des conflits, en cas de fausse alerte. « L’ocytocine et la vasopressine sont des neuropeptides très similaires, diffèrent seulement deux amino acides, mais ont un effet opposé sur la peur. Alors que l’ocytocine inhibe les effets de la peur, la vasopressine les active. Avoir ces deux neuropeptides permet une action plus rapide, comme dans les courses automobiles NASCAR, lorsqu’on accélère directement après un freinage en voiture, avec un pied sur chaque pédale », illustre Ron Stoop. La proximité de la vasopressine et de l’ocytocine provient du fait qu’ils ne faisaient initialement qu’un. Leur génome s’est dédoublé chez les êtres vertébrés au fil de l’évolution et leurs récepteurs demeurent adjacents dans le cerveau. Ainsi, l’ocytocine et la vasopressine peuvent agir sur des circuits très proches mais avec fonctions opposés dans le cerveau.

Appliquer les résultats obtenus
La majeure partie de l’étude des neuropeptides s’effectue sur des tranches aigues de cerveau observées sous des microscopes, dont le laboratoire de Ron Stoop est rempli, à Cery. La façon selon laquelle les neurones communiquent est étudiée à l’aide d’électrophysiologie in vitro et in vivo, pour communiquer avec les neurones à l’aide d’électrodes, et d’outils optogénétiques et moléculaires, qui servent à modifier les cellules étudiées par la lumière ou avec des virus. Une partie de la recherche de l’équipe du professeur Stoop consiste aussi à appliquer des résultats obtenus sur des souris ou rats pour guérir des êtres humains, dans une approche nommée « neuroscience translationnelle ». « Toutes les zones du cerveau d’un rat ou d’un humain ne sont pas comparables : les amygdales basolatérale et centrale ont approximativement la même taille chez un rat, mais la basolatérale est beaucoup plus grande chez l’humain », explique-t-il. « Les résultats ne sont alors pas directement applicables ». Les « gens sans peur » font partie des humains qui intéressent actuellement les chercheur·euse·s.

Les « gens sans peur » intéressent actuellement les chercheur·euse·s.

Ces individus, au nombre de quelques-uns en Europe, sont affectés par une mutation très rare, qui provoque une calcification de l’amygdale et ne leur fait pas ressentir la peur. « A cause de cette mutation, ces personnes sont notamment incapables d’apprendre si une personne est digne de confiance ou non », précise Ron Stoop. Son équipe s’est récemment associée à un institut sud-africain, qui a découvert la présence d’une centaine de personnes porteuses de cette mutation, amenée des siècles auparavant par des colons allemands.

Une course au cerveau
Actuellement, au niveau mondial, trois grands projets structurent les recherches liées au cerveau, avec des approches différentes, explique Ron Stoop, fraîchement revenu de la conférence annuelle des neurosciences à San Diego, qui a réuni plus de 24’000 personnes entre le 12 et le 16 novembre. En jeu, les projets américain (Brain Initiative) et européen (Human Brain Project), qui basent leurs expériences sur des souris et rats, et le projet chinois (China Brain Project), qui s’appuie plus sur des macaques, pour leur proximité avec l’humain. La connaissance profonde des mécanismes cérébraux semble être devenue la nouvelle course à l’espace.