Le cœur à fleur de peau

Rédigé par : Valentine GIRARDIER

EMOTIONS • L’hypersensibilité fait de plus en plus parler d’elle, mais est encore sujette à de nombreuses questions. Qu’elles soient scientifiques, médicales ou personnelles, ces interrogations présentent le sujet comme un nouveau champ psychologique à explorer.

L’hypersensibilité, don ou malédiction ? Maladie ou fiction ? Commune ou d’ exception ? L’appellation interpelle, interroge et suscite une multitude de réactions. « Je me suis longtemps senti coupable de cette différence et je me suis structuré par rapport à cette culpabilité d’autant plus que mes différences sont si nombreuses que j’en perds la tête » confie le philosophe et écrivain Fabrice Midal dans son récent ouvrage intitulé Suis-je hypersensible ? C’est en effet le premier constat qui semble se dégager lorsque l’on s’intéresse à l’hypersensibilité ; elle est source d’obstacles quotidiens, mais il n’est souvent pas aisé de leur trouver un sens. Certain·e·s y trouvent pourtant une véritable force, alors comment ?

Individus mouvants, définitions mouvantes
Lorsque l’on se tourne du côté de la psychologie pour trouver quelques éléments de réponses à la grande question : qu’est-ce qu’être hypersensible ? L’on constate d’abord trois choses. La première, le terme d’« hypersensibilité » correspond à un tempérament défini cliniquement par la psychologue et chercheuse Elaine Aron, et ce depuis 1996. La seconde, C. G. Jung, l’éminent et renommé fondateur de la psychologie analytique parlait déjà de ce trait particulier qu’il nommait tantôt « sensibilité innée », tantôt « caractère enrichissant ». Enfin la troisième, malgré un ensemble clinique de caractéristiques et un historique de plus d’un siècle, l’hypersensibilité ne peut entrer dans une définition stricte ou se traduire en symptômes reconnaissables. En effet, les neuroscientifiques et psychologues s’accordent à dire qu’une forte sensibilité n’est pas à considérer comme pathologique, et que les sujets « ultrasensibles » présentent des profils bien différents, avec des particularités diverses.

Le trop, parfois un fardeau
Qu’il s’agisse de la sensibilité elle-même – sensorielle ou émotionnelle –, ou parce qu’elle se mêle à une timidité ou une introversion, les ultrasensibles peuvent être confronté·e·s à des difficultés personnelles et/ou sociales qu’il s’agit de ne pas minimiser. Des reproches virulents, des étiquettes pénibles à porter voire marginalisantes, ou pire, une ignorance qui peut être créatrice de violence envers soi, peuvent être mal vécus par les hypersensibles qui se sentent déjà « différent·e·s » de par leur caractère.

« L’émerveillement est une chance inestimable que nous avons, nous les hypersensibles« 

anonyme

Si l’hypersensibilité n’est pas une maladie, elle existe pourtant bien et toucherait environ 20 à 35% de la population dont « 30% de HS sont extravertis et 70% de HS sont introvertis » comme le précise également E. Aron. Il est donc important, ne serait-ce qu’au nom du vivre ensemble, de considérer cette différence sans en faire un trait de discrimination sociale. Pour cela, les thérapeutes préconisent un changement de point de vue sur l’émotionnel afin de ne plus vivre dans la culpabilité de soi.

Vivre à cœur ouvert
« L’émerveillement est une chance inestimable que nous avons, nous les hypersensibles », confie un·e hypersensible anonyme. Ce témoignage traduit cette volonté, pour les ultrasensibles, de faire de leur particularité une force créatrice. L’hypersensibilité, comme l’hyperesthésie, fait de tout événement anodin de la vie quotidienne une aventure sans filtre, déferlant d’affects et de sensations dont l’imaginaire se nourrit aisément. Une vibration, une parole, une matière, un geste, une pensée ou une vision peuvent faire basculer le cœur d’un·e hypersensible, souvent jusqu’aux larmes – de tristesse comme de joie par ailleurs.

Il est donné à tout un chacun et sans jugement, le droit de pleurer, d’être touché·e, attendri·e ou ému·e

Si les hypersensibles peuvent de plus en plus compter sur la psychologie, qui légitime et accueille sans le blâmer ce trait de caractère, il est pourtant donné à tout le monde et sans jugement, le droit de pleurer, d’être touché·e, attendri·e ou ému·e, puisque les émotions sont ce qui nous unit et nous rendent humain·e·s.

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