Quand les journalistes racontent la pandémie

CORONAVIRUS · La crise sanitaire a impacté la vie de tou·te·s, y compris celles et ceux «au front» de l’actualité qui ont dû s’adapter pour couvrir ce sujet bien particulier qu’est le Covid-19. Invité·e·s en décembre par l’ASSOPOL, deux journalistes livrent leurs regards sur la «période coronavirus», entre difficultés et esprit critique.

Voilà bientôt une année qu’on ne peut allumer la télé ou la radio sans entendre parler du sempiternel virus. Alors que la crise sanitaire est sous le feu des projecteurs médiatiques, le travail des journalistes – pourtant lui aussi impacté – est resté dans l’ombre. Afin d’entendre la voix des «traqueurs de news», l’ Association des Alumni de Sciences Sociales et Politiques de l’Unil (ASSOPOL) a organisé en décembre une visioconférence intitulée «Les médias généralistes à l’ère du Covid-19». Respectivement correspond au Palais fédéral pour la RTS et journaliste indépendante spécialisée dans le domaine de la santé, Etienne Kocher et Catherine Riva témoignent du défi que constitue la période actuelle dans leur quête vers la vérité.

Véritable challenge

«Mon travail consiste à rendre compte, analyser et remettre en question les décisions des autorités politiques», explique Etienne Kocher. Journaliste généraliste, il a dû composer avec un sujet complexe et extrêmement pointu. «Nous ne sommes pas des spécialistes du coronavirus. Il a donc fallu s’adapter et se tourner vers des experts pour mieux comprendre les décisions qui ont été prises. Dans ma rédaction, on a également créé une rubrique spécialement dédiée à la couverture de la pandémie», livre le journaliste. Habitué à fournir des conclusions rapidement, Etienne Kocher souligne toutefois le défi que constitue la période actuelle à l’actualité des plus changeantes. «Dans les moments de crise comme celui qu’on vit, les décisions sont prises très rapidement. Le temps pour les analyser est donc limité. On a peu de temps pour prendre du recul. Et puis, l’actualité nous pousse à aller constamment de l’avant. C’est un peu contre intuitif de retourner sur des décisions qui ont été déjà prises», raconte-t-il. Si le travail du journaliste s’est révélé ardu, il est pourtant des plus essentiels. «Les autorités politiques ont tendance à cacher le côté choisi. Le gouvernement met en avant un discours qu’il dit justifié par la science, et on doit démêler ce qui constitue des faits et ce qui constitue des choix purement politiques. Dans un contexte comme celui-ci, le rôle du journaliste est extrêmement important. On doit montrer que ces décisions ne relèvent pas toujours de l’évidence et sont parfois de simple choix», explique-t-il.

L’heure est à la critique

Catherine Riva réprouve d’ailleurs le côté arbitraire de la gestion de la pandémie qui est, selon elle, particulièrement frappant. «Il n’y a aucun accompagnement scientifique des mesures sanitaires. Par exemple, aucun test à ce jour n’a prouvé l’efficacité de la distanciation sociale ou des masques. On a donc imposé des mesures contraignantes sur des bases scientifiques extrêmement fragiles», explique-t-elle. La journaliste déplore également le manque de transparence autour de la Task Force, la crème de la crème scientifique qui épaule le Conseil fédéral dans ses décisions. «Le peuple n’a pas été appelé pour nommer ces experts. On ne connaît pas bien leurs devoirs et leurs prérogatives», explique-t-elle, soulevant ainsi un problème de constitutionnalité et de reddition des comptes. Selon Catherine Riva, la mise en branle des institutions démocratiques suisses va encore plus loin. «Aujourd’hui, la population suisse est assez mal protégée. Elle n’a plus les outils qui lui permette de se défendre contre d’éventuels abus de pouvoir. Il y a notamment une réelle prise de pouvoir du côté de l’exécutif. Le législatif, que ce soit au niveau cantonal ou fédéral, n’a toujours pas repris la main», s’alarme-t-elle.

Si la crise sanitaire a révélé certaines failles du système politique – au même titre que le système hospitalier ou économique – le journalisme lui, n’y a pas non plus échappé. Selon Catherine Riva, l’heure est à l’autocritique pour sa profession. «Je pense que le corps journalistique doit aujourd’hui se demander s’il a été à la hauteur de sa mission première: le quatrième pouvoir», déclare-t-elle. Ce relatif éloignement face à son rôle de contre-pouvoir ne serait pas le seul point critiquable de la profession. Selon Etienne Kocher, la pandémie a également aggravé un effet pervers propre aux médias: celui du zoom. «Comme la pandémie touche tout le monde, on a un vécu commun encore plus fort que d’habitude. Et puisque les médias se font la chambre d’échos de ces vécus communs, il y a un effet de groupe très fort. Tout à coup pendant une semaine le sujet va être les vaccins et tous les médias vont en parler», explique le correspond de la RTS, avant de relever les efforts continuels des journalistes pour contrecarrer cette tendance, notamment en partant à la quête de sujets inexplorés.

Daphné Dossios

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