Souleymane trouve asile au cinéma
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CINÉMA • Dans son nouveau long-métrage, Boris Lojkine nous raconte l’histoire bouleversante de Souleymane (Abou Sangare), jeune requérant d’asile guinéen à Paris. Un film important dont le succès est porteur d’espoir.
Après le très réussi Io Capitano (Matteo Garrone, 2023), qui donnait à voir le périple infernal de jeunes réfugié·e·s sénégalais·e·s vers l’Europe occidentale, L’Histoire de Souleymane révèle la vie éprouvante que mènent les requérant·e·s d’asile une fois parvenu·e·s dans leur pays «d’accueil», si tant est qu’on puisse les appeler ainsi. Ce nouveau métrage du réalisateur et scénariste français Boris Lojkine nous plonge dans le quotidien parisien de Souleymane, livreur de repas sans-papier d’origine guinéenne ayant dû fuir son pays natal pour offrir une vie meilleure à sa mère restée au pays. Le scénario se focalise sur les deux jours précédant l’entretien de demande d’asile du protagoniste.
Entre documentaire, drame social et thriller
D’un réalisme bluffant évoquant le documentaire – genre dans lequel le réalisateur a d’ailleurs fait ses premiers pas de cinéaste, ce drame émouvant et nécessaire bénéficie de la performance absolument brillante de son acteur principal pourtant non professionnel, Abou Sangare. Ce dernier, à l’image du personnage qu’il interprète, a été contraint de quitter la Guinée pour subvenir aux besoins médicaux de sa mère tombée gravement malade. C’est l’argent qu’il a gagné grâce au film qui lui a permis d’achever le paiement de son voyage jusqu’en France. Et si Sangare n’est pas livreur mais mécanicien, cela n’altère en rien la justesse du portrait, le réalisateur s’étant inspiré des propos recueillis auprès des nombreux livreur·euse·s qu’il a rencontré·e·s pour le film.
La réalisation et la photographie, particulièrement soignées, placent le spectateur aux côtés de Souleymane, pédalant à toute vitesse au cœur des «ruelles cruelles», des «boulevards à flics», de «la musique truelle des silences chaophoniques» d’une Paris nocturne, frénétique et impitoyable que décrit Gaël Faye dans sa chanson Paris métèque. Ce qui s’apparentait à une chronique sociale prend alors des airs de thriller haletant, de course contre la montre où chaque minute compte et mène au moment fatidique qui déterminera l’issue incertaine de la demande d’asile de Souleymane.
Un accueil dithyrambique
Le métrage, présenté en avant-première au festival de Cannes le 19 mai passé, a reçu le Prix du Jury de la section «Un certain regard», le prix d’interprétation masculine pour Abou Sangare, ainsi que le prix de la critique internationale FIPRESCI. Quant au public, il est tout aussi unanime, attribuant au métrage l’excellente note de 4,2/5 sur Allociné et 4/5 sur Letterboxd. Cinq semaines après sa sortie, le film a attiré près de 450’000 spectateur·rice·s dans les salles en France et pas loin de 6’000 spectateur·ice·s en Suisse romande.
Un succès qui fait plaisir à voir pour cette ode à l’empathie et à l’hospitalité envers les immigré·e·s, nécessaire en ces temps marqués par l’inquiétante ascension d’une extrême-droite intolérante et xénophobe. Le film est d’autant plus important qu’il s’accompagne d’une sensibilisation bienvenue aux conditions difficiles dans lesquelles travaillent les livreur·euse·s.
Dans l’attente d’une réponse à sa quatrième demande de régularisation, Abou Sangare est encore actuellement menacé d’expulsion du territoire français. Le 13 novembre dernier, l’Académie des César a annoncé qu’il fait partie de la présélection pour le prix de la «Révélation masculine» 2025.
Ilian Guesmia