Négocier des vies

HUMANITAIRE · Diplômé en sciences économiques et politiques, Laurent Ligozat a œuvré toute sa carrière dans le domaine humanitaire. Après avoir effectué des opérations de terrain pendant une dizaine d’années pour le compte de diverses organisations non gouvernementales, du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et de Médecins sans frontières (MSF), il a rejoint la cellule d’urgence de la branche suisse de MSF. Laurent Ligozat a ensuite exercé le rôle de directeur adjoint des opérations pendant dix ans. Il est maintenant senior advisor à MSF et s’occupe spécifiquement de l’engagement et de la négociation.

Comment vous y prenez-vous pour intervenir dans les zones de conflit?

A Médecins Sans Frontières (MSF), nous conduisons deux grosses familles de projets: les projets réguliers, qui durent en général plusieurs années, et ceux d’urgence. Pour certaines opérations, nous sommes ainsi déjà présents dans le pays. Par exemple, en tant qu’organisation médicale, nous pouvons mener des projets sur la tuberculose, le VIH ou d’autres maladies, sur une période de dix à quinze ans. Des fois, dans ces pays, il y a de l’instabilité ou un conflit qui se créent et on réagit à ces crises-là. D’autres fois, on décide d’aller dans des pays où l’on n’est pas présents, parce qu’un conflit éclate. MSF suisse est présent dans plus de 25 pays; pour le mouvement MSF global, c’en est environ 70.

Quelles sont les précautions à prendre lors d’une intervention?

En premier, nous évaluons la plus-value que nous pouvons amener. La deuxième étape consiste à s’assurer que nous serons tolérés, acceptés par les belligérants. C’est très important, car si ce n’est pas le cas, on peut devenir une cible. On s’assure donc qu’il y a une certaine acceptance de notre intervention, qui implique en général l’engagement d’une discussion et des négociations avec les acteurs. Il faut savoir que notre espace de travail n’est pas donné. Ce n’est pas parce qu’on est MSF et qu’on arrive avec des principes de droit humanitaire international que les acteurs vont nous laisser travailler. En troisième lieu, on évalue les besoins. On va regarder là où l’on aura le plus grand impact par rapport à la capacité de réponse locale, nationale ou d’autres acteurs internationaux. Il faut aussi prendre en compte ce qu’on sait faire par rapport aux besoins des populations, car on a l’expertise dans certains domaines et pas dans d’autres. Ensuite, on décide collectivement ce qu’on va faire, au niveau du département des opérations, du département médical et avec les équipes sur le terrain: quelles stratégies à mettre en place, comment et avec quels moyens financiers et matériels.

Martissant (Haïti), 15 janvier 2010. Crédit: Julie Remy.

Concrètement, y a-t-il eu beaucoup de situations où l’on vous a refusé de travailler?

Notre espace de travail n’est jamais acquis. Par exemple, MSF n’a jamais réussi à travailler en zone gouvernementale en Syrie. On opérait dans les pays limitrophes, au Liban, en Jordanie, en Irak, ou dans les zones d’oppositions, mais on n’a jamais pu exercer en zone gouvernementale. Le gouvernement syrien ne le voulait tout simplement pas. Il y a des pays ou des régions où certains acteurs ne veulent pas nous voir. C’est à travers la négociation, l’explication de qui on est, ce qu’on fait, pourquoi on est là et quel impact on peut avoir pour les populations qu’on obtient un accès, mais ce n’est pas quelque chose de garanti. Cela nécessite toujours un engagement et une discussion avec les acteurs.

Quels sont les critères utilisés pour définir quand vous allez effectuer une intervention?

Notre premier objectif est de réduire la mortalité liée soit au combat soit à ses conséquences, surtout en situation d’urgence, soit à des pathologies. C’est l’indicateur le plus basique. En zone de guerre, il y a beaucoup de gens qui ne meurent pas directement des violences, mais parce que les systèmes de santé ne fonctionnent plus. Il y a des problèmes d’accès aux soins médicaux basiques, à l’eau et d’hygiène. En zone de conflit, MSF peut agir sur les conséquences directes des violences et des conflits, donc les blessé·e·s, mais aussi sur ses conséquences indirectes, c’est-à-dire les déplacements des populations, le manque d’accès aux soins, à la nourriture, à des abris, les gens étant déplacés dans des camps. Donc, le choix des interventions qu’on peut faire est assez large, on essaie toujours d’aller là où il y a les besoins les plus aigus. On parle beaucoup de mortalité, parce que notre objectif est bien évidemment de sauver des vies, en tant qu’organisation médicale. Après, on va parfois plutôt travailler sur des morbidités, des maladies associées à la vulnérabilité des gens, parce qu’ils sont déplacés à cause du conflit. Là, c’est une prise en charge médicale un peu plus classique. Par exemple, les soins maternels-infantiles. On sait que les premières victimes des zones de conflit sont souvent des femmes et des enfants parce qu’ils sont les plus vulnérables. S’il n’y a pas de soins spécifiques pour les moins de 5 ans, il peut y avoir une mortalité très importante à cause de maladies comme la rougeole. Ce n’est pas une conséquence directe du conflit, mais le déplacement de populations non vaccinées augmente le risque d’épidémies. C’est à travers une évaluation des besoins, une discussion avec les acteurs et la communauté que l’on va décider de ce qu’on fait en priorité.

Quand vous êtes en intervention, travaillez-vous exclusivement avec des équipes suisses ou aussi avec des équipes locales?

Les trois quarts du personnel MSF sont des locaux, nationaux. C’est-à-dire que le personnel international que l’on envoie de l’extérieur n’est qu’une toute petite proportion de l’équipe. C’est une caractéristique de MSF. Ces dernières années, MSF a essayé d’apporter une attention particulière aux personnels nationaux et de leur permettre d’évoluer dans l’organisation, car ils sont indispensables à notre fonctionnement. Je pense que nous sommes une organisation qui a une certaine idée de ce qu’est l’humanitaire et qui a les moyens de travailler.

Est-ce problématique d’avoir des personnes locales qui seront peut-être plus impliquées dans le conflit que des personnes externes?

Pour MSF, c’est très important de ne pas s’impliquer dans les conflits. On n’est pas là pour adhérer à la cause d’un parti ou d’un autre, mais on demande à nos personnels d’adhérer aux principes, aux valeurs, de MSF: l’impartialité, la neutralité, l’indépendance et le respect de l’éthique médicale. Evidemment, les gens ont le droit d’avoir des opinions, mais ils ne doivent pas se positionner par rapport à une situation pendant qu’ils travaillent. Dans notre charte, c’est très clair: on ne prend pas en compte le genre, la religion, l’ethnie, l’origine. On est humanitaire, ce qui compte c’est l’humain. Si une personne a besoin d’une prise en charge médicale, on le fait. Indépendamment de qui elle est et représente. 

Comment s’y prend-on pour garantir la neutralité sur le terrain, lorsque des blessé·e·s sont dans les deux camps?

Rester complètement neutre, c’est très difficile. Pour l’être le plus possible, on essaie toujours de travailler des deux côtés quand il y a un conflit. Comme cité précédemment, en Syrie, ça n’a pas été possible: on a travaillé en zone d’opposition et dans les pays limitrophes, mais le gouvernement syrien n’a jamais voulu que MSF travaille en Syrie, à Damas. De fait, on peut dire que là, notre neutralité est mise à mal, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé pendant des années et des années de travailler en zone gouvernementale. Même si on a tous nos opinions par rapport au rôle de chaque acteur·rice du conflit. En Syrie surtout, il y avait des groupes armés qui faisaient des choses qui étaient très discutables. On n’est pas là pour prendre position, on a travaillé dans ces zones-là indépendamment des agendas religieux et politiques des groupes armés. Donc la neutralité, c’est ce vers quoi on tend, mais en général, c’est quand même très difficile à atteindre.

MSF est une organisation médicale, mais fait aussi du témoignage. Quand on est face à des abus massifs, à des exactions contre des populations, MSF va dénoncer ces faits-là. Ceci pose des fois problème, car le fait de dénoncer des situations où il y a un abus massif contre les populations peut mettre nos équipes en danger ou nous bloquer l’accès. Mais on s’est donné la responsabilité, en tant qu’organisation médicale, de dénoncer, de témoigner aussi, de la situation des gens auxquels on essaie d’apporter une assistance.

Est-ce déjà arrivé qu’on vous interdise l’accès à une zone à la suite d’un témoignage?

Oui, MSF a été expulsé de plusieurs pays, par exemple d’Ethiopie. Des collègues d’autres sections MSF on été expulsé·e·s du Soudan à l’époque du Darfour. Récemment, il y a une autre section qui a été bloquée dans un pays francophone africain parce qu’ils essayaient justement de travailler des deux côtés. Ça arrive malheureusement que des fois, on se fasse expulser d’un pays parce qu’on dénonce une situation ou parce que l’assistance médicale qu’on amène aux populations qui en ont besoin ne plaît pas à l’une des parties.

Kailahun (Sierra Leone), centre de traitement Ebola de MSF. Deux membres du staff médical transportent un patient qui a été en contact avec une personne infectée par Ebola. Crédit: Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour MSF

Utilisez-vous du matériel médical local ou suisse?

On attache beaucoup d’importance à la qualité des médicaments d’une part et des matériels et des équipements qu’on utilise d’autre part. MSF a une centrale d’achat et logistique assez importante qui est basée à Bordeaux, qu’on partage avec MSF France. Là, ils font des kits, ils achètent des médicaments, du matériel, des voitures, des radios et aussi du matériel non-médical. Leur rôle, c’est d’envoyer ce matériel là où l’on en a besoin. On essaie de faire de plus en plus des achats locaux, mais c’est parfois compliqué, car on veut qu’ils soient certifiés, pour s’assurer de leur qualité. Malheureusement, dans le monde aujourd’hui, il y a beaucoup de faux médicaments ou de médicaments de mauvaise qualité. Donc très souvent, on préfère importer les médicaments pour qu’on ait une garantie sur leur qualité.

Lorsque vous intervenez, quelle est votre image auprès des populations?

C’est un aspect très important pour notre organisation. Très souvent, on arrive dans des zones où les gens ne savent pas très bien qui est MSF. Pour avoir une bonne acceptance des populations, il est très important de donner de la visibilité à qui on est, pourquoi on est là et ce qu’on fait. Ce qu’on souhaite aussi surtout expliquer aux populations et aux belligérants d’ailleurs, c’est notre indépendance. MSF est l’une des rares organisations humanitaires qui a la chance d’être complètement indépendante des gouvernements. C’est lié à notre financement, qui est constitué de fonds privés à plus de 95%. Ils proviennent de gens qui nous versent de 20 francs par mois ou par an, à plusieurs de centaines de milliers de francs parfois. Le fait qu’on ne dépende pas des financements institutionnels venant des gouvernements ou des organisations internationales, nous donne une vraie indépendance. On essaie toujours d’expliquer aux belligérant·e·s et aux populations qu’on assiste que si on est là, c’est parce qu’on en a fait le choix et qu’on a estimé qu’on pouvait amener une plus-value. On arrive donc à avoir une bonne perception auprès des populations qu’on aide et ça, c’est essentiel: s’il y a un problème de perception et qu’on est perçu comme soutenant un parti, un groupe, un gouvernement, non seulement ça peut nous créer des problèmes d’accès, mais aussi de sécurité, on peut devenir une cible. Donner de la visibilité auprès des belligérant·e·s et des populations est surtout essentiel en zone de conflit, où il y a un clivage important entre les populations, les groupes ethniques ou les groupes armés. 

De combien de personnes est constitué un groupe MSF lors d’une intervention?

Ça dépend, il peut y avoir des projets où il y a 3-4 internationaux et une centaine de personnels nationaux, d’autres où il y a 30 expatriés et 1000-1200 personnels nationaux, c’est très variable. Il y a aussi des pays où le mouvement MSF a plusieurs dizaines d’internationaux et des milliers d’employé·e·s. Dans le monde, MSF en compte plus de 60’000 au total. 

En intervenant en tant que structure externe, n’y a-t-il pas le risque que vous bloquiez les structures internes?

Evidemment, MSF n’a parfois pas le choix de faire de la substitution pure, c’est-à-dire qu’on amène des moyens financiers, humains et matériels pour être efficace. C’est en particulier le cas quand on intervient sur des urgences aigues. A côté de ça, quand on est impliqués sur des projets à long terme, de plusieurs années, on essaie de s’insérer dans un système de santé déjà existant. Ce qui est très important, c’est qu’on est une organisation humanitaire. On n’est pas là pour faire du développement ou soutenir un système qui est déjà en place. C’est la différence entre l’action humanitaire et l’aide au développement. Cette dernière va essayer de soutenir un système, de l’améliorer, de le rendre plus efficace. En tant qu’organisation humanitaire, ce qui est important, ce sont les patients, les humains. Ils sont notre priorité. Cependant, sur les projets à long terme, on travaille avec le ministère de santé et d’autres partenaires pour essayer de s’insérer dans un système. L’objectif n’est pas de complètement changer le système. 

Cette stratégie d’insertion dans le système médical local a-t-elle fonctionné?

C’est nécessaire. On est toujours tolérés, invités, dans un pays. Si un système de santé est en place, on ne peut pas faire n’importe quoi, on est obligés de regarder quelles sont les politiques sanitaires nationales, quels sont les objectifs des gouvernements. On ne fait pas ce qu’on veut, il faut l’accepter. C’est à travers la négociation, la discussion, qu’on crée cet espace-là et qu’en général on collabore. Ce partenariat est indispensable. C’est comme si une ONG voulait venir en Suisse et décider de faire ce qu’elle veut. Il y a des lois, des protocoles, des politiques sanitaires qu’on doit respecter pour pouvoir travailler.

Altaf, 4 ans, a subi un accident de voider et a été emmenée par son père à l’hôpital Ad Dahi (Yémen), le 25 octobre 2020. L’équipe médicale aide la fille dans la salle d’urgences et l’oriente vers une opération. En 2020, MSF a admis plus de 18’900 patients dans la salle d’urgences à l’hôpital de campagne Ad Dahi. Crédit: MSF/Majd Aljunaid.

Les invitations émanent-elles plutôt des pays, des belligérants ou bien des populations elles-mêmes?

Des fois, en effet, on est invités par les gouvernements pour travailler, mais c’est plutôt une tolérance. On est invités à travailler dans le pays dans la mesure où il accepte qu’on soit présents, parce que si ce n’est pas le cas, les États étant souverains, ils ont la pleine capacité de nous expulser, comme c’est déjà arrivé dans le passé.

Qu’est ce qui vous a le plus marqué lors de vos interventions?

J’ai longtemps travaillé dans la cellule d’urgence, qui ne traite que les crises aiguës. A la différence des projets long terme, celles-ci nécessitent une intervention rapide. En général, cela concerne les épidémies, les crises nutritionnelles ou famines, les tremblements, les catastrophes naturelles ou les conflits. Il y a eu des moments où ce n’était pas facile. Je dirais que la dernière intervention qui reste assez marquante pour moi, c’est un tremblement de terre en Haïti. J’ai fait partie des premières équipes qui sont arrivées. On est venus dans une ville avec des niveaux de destruction très importants. Surtout, ce qui est vraiment marquant, ce ne sont pas seulement les dégâts en infrastructure qui se sont écroulées ou humains, puisqu’il y avait plein de gens dans la rue qui n’avaient pas eu de soins et étaient décédés sur place, mais c’était surtout l’abattement des gens. Le traumatisme pour la population était énorme. Il a fallu plusieurs jours pour voir les gens se remettre de ce choc qu’a été ce tremblement de terre, qui a fait plus de 250’000 morts. C’était vraiment impressionnant de faire partie des premières équipes de sauvetage.

Dans ce cas-là, est-ce compliqué de s’arrêter de travailler à la fin de la journée et se convaincre d’aller dormir, alors qu’il reste des gens à soigner?

En général, surtout dans une situation comme ça, on ne dort pas beaucoup les premiers temps parce qu’il y a beaucoup de travail. Je crois qu’il faut faire la part des choses. On donne le maximum et d’ailleurs ça arrive des fois que les gens n’arrivent pas à gérer la situation. Il n’y a alors pas d’autre solution que de les renvoyer parce qu’il faut des personnes efficaces. Si les gens n’arrivent pas à gérer ces situations-là, qui sont difficiles, il vaut mieux qu’ils rentrent. Aujourd’hui, on est des professionnels, donc on est plus habitués. Notre objectif, c’est de faire mieux, plus, plus vite. C’est ce moteur qui  nous fait avancer, travailler tous les jours, 20h, 22h, 24h, surtout au début. D’habitude, on ne dort pas très bien, on ne mange pas beaucoup, puis après les choses s’améliorent petit-à-petit quand on est un peu plus organisés. 

En Haïti, combien de temps êtes-vous resté sur place?

Je suis resté 3 semaines. Au bout, j’étais épuisé et d’autres gens sont venus me remplacer. C’est normal, surtout sur les phases très aiguës des interventions où il faut être disponible non-stop. Emotionnellement aussi, c’est assez lourd. Au bout d’un moment, si on ne sort pas, c’est le burn-out. En plus d’être inefficace, on devient même une contrainte pour le reste des équipes. Il faut accepter de donner la place à ceux qui arrivent et sont frais.

Carrefour, zone de fortune pour la chirurgie hors du bâtiment de l’hôpital de Carrefour, où le centre opérationnel d’Amsterdam de MSF est actif (Haïti, 17 janvier 2010). Crédit: Julie Remy.

Quel est votre travail quand vous êtes en Suisse et pas en intervention?

 J’ai été longtemps directeur adjoint des opérations. Maintenant, je m’occupe plus de ce qui est de la négociation et l’engagement avec les autres acteurs et belligérants. On a toujours besoin de négocier, notre espace de travail n’est pas acquis. C’est à travers la discussion et la négociation qu’on crée notre espace de travail. Je supervise aujourd’hui cette activité-là. Ce qui est très important, c’est de créer une relation et si possible de  confiance. En général, ce sont des choses qui se font à travers un échange régulier sur la durée. Je soutiens les équipes sur le design de leur stratégie de négociation. Néanmoins, ça m’arrive de négocier. Par exemple, au mois de septembre, je suis allé en Iran pour traiter avec les autorités iraniennes pour voir si MSF Suisse pouvait travailler dans ce pays. Je suis parti avec un médecin, car je ne suis pas un membre de l’équipe médicale, et on a rencontré les autorités iraniennes pour voir si c’était possible de travailler dans leur pays. En général, c’est plutôt les gens qui vont rester longtemps sur place qui doivent s’en charger. Il faut que cette relation se crée. Les négociations nécessitent du temps ce qui est parfois en contradictions avec nos volontés d’intervenir vite. 

Qu’est-ce qui est dit durant ces négociations?

Très souvent, les gens vont négocier de manière réactive et intuitive alors qu’on sait que si l’on est préparé, si l’on a des objectifs très clairs ou pourquoi pas des compromis, si l’on a des lignes rouges qu’on ne veut pas franchir, c’est essentiel. Ce que je dis souvent aux gens, la chose la plus importante en négociation, c’est «préparez-vous, préparez-vous, préparez-vous!» Qu’est-ce que vous voulez? Quels sont vos besoins? Quels sont vos intérêts? C’est aussi très important de se mettre dans les chaussures de notre interlocuteur. Si on arrive à évaluer ses besoins et intérêts, à identifier des points de convergence et de divergence, ça va d’autant plus faciliter la négociation. C’est une démarche essentielle quand on parle de négociation que de savoir ce qu’on veut et ce que les autres veulent.

En quoi consistent les lignes rouges de MSF?

Les lignes rouges les plus importantes pour MSF, ce sont le non-respect de l’impartialité, une remise en cause de notre indépendance et tout ce qui touche à l’éthique médicale: la confidentialité, la protection du personnel et des structures médicales, la confidentialité médicale. C’est vraiment primordial pour nous. Si l’un de ces aspects est remis en cause, ce sera très délicat pour MSF d’agir. 

Lors d’interventions avec quels autres partenaires agissez-vous?

On collabore avec d’autres organisations internationales et humanitaires, comme d’autres ONGs, le CICR, des agences des Nations Unies, par exemple le PAM (Programme Alimentaire Mondial). On n’est pas pour l’isolationnisme. C’est très important d’être ouvert aux autres et de ne pas se mettre tout seul dans son coin. Même si l’on a souvent des agendas, des stratégies différentes, il est quand même important d’être dans cette communauté-là.