Les astéroïdes, un danger méconnu?

ASTROPHYSIQUE · La possible collision entre l’astéroïde 2024 Y4 et notre planète a défrayé la chronique de ce mois de février, et l’on sait maintenant que le risque d’impact est hautement improbable. Mais que connait-on vraiment des astéroïdes et de la terre ? Entretien avec Belén Yu Irureta-Goyena Chang, doctorante en astrophysique à l’EPFL.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un astéroïde ? Leur récente médiatisation a-t-elle permis une meilleure connaissance de la population sur le sujet ?
Un astéroïde, c’est un terme assez large pour désigner tout petit objet rocheux en orbite autour du soleil issu de la formation du système solaire il y a environ 4.6 milliards d’années. Leur étude permet donc de mieux tracer ce processus de formation. Je pense que c’est bien qu’il y ait eu une forte couverture médiatique de l’astéroïdes 2024 Y4, car il n’y a pas beaucoup de connaissances sur la défense planétaire au sein de la population. Cela permet d’expliquer en quoi ce travail de surveillance est important, même s’il est nécessaire que cette couverture ne soit pas effectuée dans une visée alarmiste, mais plutôt dans un but d’information et de vulgarisation scientifique.
Maintenant revu à la baisse, à quel point le risque d’impact entre l’astéroïdes 2024 YR4 et notre planète était-il considéré comme dangereux ? Quelles seraient les conséquences si une telle collision arrivait?
Avec un risque d’impact calculé à plus de 3%, cet astéroïde était la plus grande menace découverte à ce jour, mais en étudiant sa trajectoire plus en détail, il est apparu qu’une collision avec la terre était vraiment très improbable. Aujourd’hui, l’Agence spatiale européenne et la NASA estiment qu’il y a maintenant un risque inférieur à 0,01%. Ensuite, pour déterminer les conséquences d’une telle collision, il y a deux facteurs à prendre en compte. Le premier, ce sont les caractéristiques de l’astéroïdes lui-même, c’est-à-dire sa taille, sa composition, sa vitesse, son angle d’entrée dans l’atmosphère, etc. Le deuxième, ce sont les conditions d’impact avec notre planète. Il est important de se souvenir que les trois quarts de la surface de la terre sont recouverts d’eau, tandis le quart restant comprend de nombreuses zones relativement inhabitées. Cependant, même s’il vraiment très improbable qu’il y ait une collision dans une zone habitée, ses conséquences pourraient être désastreuses, d’où l’importance d’être préparé.
Que serait-il possible de mettre en place pour éviter un potentiel impact avec notre planète?
Différentes solutions existent, et elles dépendent de la marge de temps dont on dispose. Détruire directement l’astéroïde pourrait générer encore plus de morceaux incontrôlables et donc dangereux. Mais dévier l’astéroïde fonctionne assez bien si on le fait assez tôt. La NASA a déjà réussi à dévier un astéroïde en 2022 dans le cadre de la mission DART (Double Asteroid Redirection Test), qui consistait à précipiter une sonde contre un astéroïde pour modifier sa trajectoire. Mais une telle technique a ses limites, notamment le temps dont on dispose entre la détection de l’astéroïde et son angle de trajectoire.
En 2019, on recensait 20’000 astéroïdes géocroiseurs (dont l’orbite autour du soleil croise l’orbite de la Terre). Quel fut l’impact récent le plus important? Comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de collisions entre les astéroïdes et la Terre?
L’impact récent le plus important est certainement l’astéroïde qui a explosé en 2013 en dessus de Tchéliabinsk, en Sibérie. On estime qu’il avait un diamètre d’environ vingt mètres avant de pénétrer dans l’atmosphère, et près de 1500 personnes ont été blessées, avec des dommages matériels qui s’élevaient à plus de 25 millions d’euros. On peut donc voir que même si c’est arrivé dans une zone relativement peu peuplée, c’était déjà très problématique. Pourtant, une telle collision reste très rare. L’espace, c’est immense. Bien que certains astéroïdes passent relativement près de la terre, à l’échelle humaine, cela reste très éloigné, car «près» signifie en général quelques milliards de kilomètres. La vrai probabilité qu’un corps céleste de taille significative entre en collision avec notre planète reste donc faible. De petits astéroïdes entrent souvent dans l’atmosphères, mais ils se désintègrent avant d’atteindre le sol, donc ils ne sont pas dangereux.
Comment détecte-t-on et surveille-t-on un astéroïde?
Les astronomes suivent la majorité des géocroiseurs et peuvent prédire leur trajectoire sur plusieurs décennies. On estime que l’on connaît aujourd’hui près de 85% de la population des astéroïdes de plus d’un kilomètre, une taille pouvant provoquer une extinction massive. Le vrai problème concerne les astéroïdes de taille moyenne, c’est-à-dire de quelques dizaines de mètres, qui peuvent causer des dommages considérables mais dont on connait très mal la population. Ma thèse, intitulée Identifying Moving Objects in Astronomical Surveys Using Artificial Intelligence, vise à déterminer comment améliorer cette situation. Elle se focalise sur le développement des techniques qui permettent de trouver des astéroïdes dans des images astronomiques provenant de différents télescopes. Il est important d’obtenir le plus grand nombre possible d’observations à partir de ces images afin d’affiner le plus possible les calculs des trajectoires de ces corps célestes.
Propos recueillis par Marine Pellissier