Des bons livres et Basta!

@ Thomas Antille

LIBRAIRIE – Installée depuis 1991 sur le campus, Basta! est un commerce indépendant, autogéré et engagé, qui continue de se faire une place dans le marché du livre, malgré un secteur toujours plus concurrentiel. Rencontre avec les libraires Mélissa Rendu et François Villars.

Lieu incontournable des rentrées académiques pour les étudiant·e·s de sciences humaines et sociales, Basta! propose également une sélection d’ouvrages critiques et engagés, consacrés aux fronts de lutte d’émancipation politiques et sociaux. Une mission que la librairie cultive depuis sa création à Chauderon, il y a près d’un demi-siècle.

Militer et rassembler

Derrière le nom «Basta!» se trouve, à l’origine, un foyer de protestations. En effet, dix ans après Mai 68, un groupe politique d’inspiration maoïste fonde la coopérative des «Nouvelles Éditions Populaires», qui donnera naissance à «La Cause du Peuple», l’ancêtre de la librairie créée en 1978. Le commerce milite sous la forme d’infokiosque, avant de se professionnaliser dès 1984, lorsque le mouvement maoïste perd de sa popularité, notamment en raison de la prise de pouvoir des Khmers rouges au Cambodge. La librairie adopte alors le nom de «Basta!», dans le but de fédérer les contestations et de s’ouvrir à d’autres publics. Fondée sur l’autogestion, la structure des «Nouvelles Éditions Populaires» permet la capitalisation de la librairie par achat de parts sociales, offrant à toute personne intéressée la possibilité de devenir coopérateur·trice et de faire vivre la librairie. La coopérative repose sur des décisions horizontales et collectives, prises au sein d’un Comité de gestion, élu par l’Assemblée générale.

Au service du débat d’idées

En 1991, Basta! suit le déménagement de l’École des sciences sociales et politiques du centre-ville à Dorigny et ouvre une seconde succursale dans l’actuel Anthropole, achevé en 1987. Dès ses débuts, outre les commandes universitaires, la librairie met en avant des essais politiques ou les dernières nouveautés en sciences sociales publiées par de petites maisons d’édition alternatives, en favorisant une composante académique et/ou critique. «Ces ouvrages ont leur place dans une université, qui est un lieu de formation de l’esprit critique», affirme François Villars. Au-delà d’assurer un service de proximité, Basta! se voit comme un lieu de réflexion et d’idées, plus qu’un économat. Malgré l’affluence du corps estudiantin et professoral, la librairie a vu sa clientèle diminuer de moitié avec le déplacement de la Faculté des sciences sociales et politiques à Géopolis, en 2012. Cela dit, ces deux bâtiments étant des lieux de mouvements sociaux, la librairie continue d’apporter son soutien à différentes causes défendues par les étudiant·e·s.

Survivre dans la jungle

Depuis ces dernières années, bien que le livre connaisse une dématérialisation, la principale difficulté à laquelle sont confrontées les librairies indépendantes est l’essor du commerce en ligne, avec Amazon comme fer de lance du marché. Cependant, si être libraire en 2025 revient à lutter contre ce mode de vente, Mélissa Rendu souligne que «les librairies engagées ont le pouvoir de militer – même de manière passive –, à travers les titres, les auteur·trice·s et les maisons d’édition qu’elles veulent mettre en avant». La librairie vise aussi à penser le livre autrement que comme un simple produit commercial, en réfléchissant moins au profit qu’à l’intérêt qu’il peut générer. Ces valeurs font partie des singularités qui permettent à la librairie Basta! de tirer son épingle du jeu face aux grandes enseignes et de lui donner sa pertinence, ne disposant pas d’autres moyens pragmatiques pour agir sur l’évolution conjoncturelle. La librairie rappelle néanmoins régulièrement son existence sur le campus lors d’événements; et ce d’autant plus que la période Covid a laissé des traces, avec une nette baisse de fréquentation. Il n’en demeure pas moins que Basta! continue d’attirer une clientèle soucieuse de privilégier une structure locale et une autre offre éditoriale. Ainsi, qu’il s’agisse de lectures de cours ou de loisirs, les libraires auront toujours de quoi satisfaire votre curiosité universitaire.

Justin Müller

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