Au fil des œuvres : Hermann Hesse
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© Thaïs Zanghi ©indigo_snakes
LITTÉRATURE · Du 25 au 31 novembre, la ville de Bâle a consacré un festival à Hermann Hesse, qui a passé de nombreuses années dans cette ville. Écrivain allemand, né en 1877 et mort en 1962, reçoit en 1946 le prix Nobel de littérature. Retour sur la vie et les œuvres d’un auteur qui a marqué la littérature germanique.
Hermann Hesse, issu d’une famille de missionnaires protestants, a grandi dans un cadre religieux strict. En conflit avec ce milieu austère, il traverse une jeunesse tumultueuse, marquée par un trouble bipolaire. Il devient libraire, métier qui lui permet de se plonger dans la littérature classique et dans les textes de la mythologie grecque. Installé à Bale, Hesse parvient à vivre de sa plume grâce à la publication en 1904 de son premier roman, Peter Camenzind. Au début de la Première Guerre mondiale, il publie dans le Neue Zürcher Zeitung un poème exhortant les intellectuel·le·s allemand·e·s à résister au nationalisme, ce qui le place, pour la première fois, au cœur d’une vive controverse politique. Le style littéraire de l’auteur se caractérise par une langue profondément poétique, héritée du romantisme. En tant que maître du Bildungsroman, ses romans suivent le parcours initiatique de personnages en quête de soi, confrontés à des dilemmes existentiels et à des conflits intérieurs. La spiritualité occupe une place centrale dans ses œuvres, très inspirée du bouddhisme ou de l’idéal d’une religion intellectuelle qui dépasserait les frontières des dogmes et aspirerait à l’unité.
Quand souffrance et beauté s’unissent
Le roman Siddhartha suit le voyage spirituel d’un jeune Indien en quête de l’unité et de la compréhension de la vie dans sa totalité. Fils de brahmane, il explore différentes voies – ascétisme, amour charnel, richesse matérielle – mais découvre que ni la privation ni l’abondance ne suffisent à combler son désir profond de sens. Ce n’est qu’auprès du fleuve, sous la guidance du passeur Vasudeva, qu’il comprend que la vie est un mélange indissociable de souffrance et de beauté, de contradictions et d’harmonie. Hermann Hesse illustre ainsi son idéal d’unité: accepter toutes les facettes de l’existence comme un tout indivisible. À travers Siddhartha, il montre que la paix intérieure réside dans la réconciliation de ces opposés et l’adhésion à la plénitude de l’existence.
La danse entre l’homme et le loup
Der Steppenwolf, roman publié en 1927, reflète les tensions sociales et politiques d’une Allemagne plongée dans l’entre-deux-guerres, où les idéaux humanistes vacillent face à la montée des totalitarismes. À travers Harry Haller, unintellectuel isolé et tourmenté, Hesse explore les thèmes de l’aliénation, de la dépression et de la quête identitaire. Déchiré entre sa nature civilisée et rationnelle et son instinct sauvage, symbolisé par le «loup des steppes», Haller incarne le conflit intérieur d’une époque en crise. Sa rencontre avec Hermine, une femme énigmatique, bouleverse sa vie: elle lui apprend à danser et à rire, une métaphore puissante de l’apprentissage de l’acceptation de ses émotions et de la relativisation face à la souffrance. À travers ces leçons, Hermine montre à Haller que, pour ne pas sombrer dans la folie, il faut parfois cesser de prendre la vie trop au sérieux et embrasser ses contradictions. En hommage à cette œuvre intemporelle, le théâtre de Bâle propose une ultime représentation de Der Steppenwolf le 14 décembre, mise en scène par la régisseuse belge Lies Pauwels. Une pièce incontournable pour toutes celles et ceux qui, comme le loup des steppes, cherchent à apprivoiser les dualités qui les habitent.
Sarah Pfitzmann