I’m lovin’ it: l’obésité, cette épidémie des pauvres

SANTEEn 2030, on estime que la moitié de la planète sera obèse ou en surpoids. Maladie chronique suivant une progression de plus en plus rapide, l’obésité est devenue un problème de santé publique majeur à l’échelle internationale. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a décrété l’obésité comme la première épidémie non infectieuse de l’Histoire.

Le phénomène de l’obésité concerne aujourd’hui la quasi-totalité de la planète, et la difficulté pour les gouvernements internationaux d’y faire face vient notamment du fait que ses causes sont complexes et multiples. L’OMS le définit comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui représente un risque pour la santé. A l’échelle mondiale, le nombre de cas d’obésité a presque triplé depuis 1975 et en 2016, plus de 1,9 milliards d’adultes étaient en surpoids. Sur ce total, plus de 650 millions étaient obèses. L’Université de Washington estime que 3,4 millions de personnes décèdent chaque année de maladies causées par l’obésité ou le surpoids, car ceux-ci prédisposent à la survenue de maladies cardio-vasculaires, de diabète voire même de certains cancers. Autrefois considérés comme un problème de santé publique spécifique aux pays industrialisés et ayant une économie développée, les organisations scientifiques constatent désormais une l’obésité sont en constante augmentation de ce type de problèmes de santé dans les pays en voie de développement, voire au sein des territoires les plus démunis. En Afrique – continent souvent associé à la famine – se situent huit des vingt pays où le taux d’obésité chez les adultes est le plus élevé. L’obésité et le surpoids sont la conséquence directe de changements sociaux-économiques profonds, qui ont entraînés depuis les dernières décennies un mode de vie plus sédentaire et une consommation accrue d’aliments hautement caloriques.

L’OMS tire la sonnette d’alarme

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé,  la moitié de la population mondiale sera obèse ou en surpoids d’ici 2030, entraînant une explosion de maladies chroniques comme le diabète, mais aussi des maladies cardio-vasculaires et certains cancers. Mais alors comment expliquer l’accroissement vif et brutal de l’obésité? Comment est-il possible que les différents Etats n’aient pas réussi à mettre en œuvre des politiques publiques efficaces afin d’endiguer le problème de santé le plus grave au monde? Les individus en surpoids doivent affronter quotidiennement une stigmatisation et des discriminations sociales omniprésentes, notamment à cause d’une simplification à outrance des causes de l’obésité. Bien souvent, on conseille à une personne présentant des signes de surpoids de pratiquer du sport plus régulièrement ou encore de suivre des régimes drastiques, sans prendre en considération la force des facteurs sociaux et environnementaux.

La responsabilité des industries agro-alimentaires

Il est ainsi essentiel d’analyser ce défi sanitaire sous l’angle comportemental et environnemental. Pour combattre les idées reçues, plusieurs enquêtes s’intéressent notamment à l’industrie agroalimentaire, pointant les effets de la «malbouffe» sur la santé. L’apparition sur le marché d’aliments ultra-transformés et de chaînes de restauration rapide – où parfois plus de 50% du menu correspond à des plats dépassant de loin un certain seuil de gras, de sucre, de sel ou de calories est directement corrélée à une augmentation significative des cas d’obésité. Tous ces aliments sont fabriqués par de puissantes entreprises agro-alimentaires, qui orientent leur marketing sur le manque de temps des consommateur·tice·s ainsi que la facilité et la rapidité d’utilisation de leurs produits. Même s’ils connaissent l’impact désastreux sur la santé de leurs client·e·s, les industriels continuent à mettre en vente des aliments addictifs, savoureux, pré-préparés et donc faciles à cuisiner et surtout de moins en moins chers.

La pauvreté favorise-t-elle l’obésité?

Car effectivement, le prix de ces aliments est une étape clé de l’analyse. La corrélation entre pauvreté et obésité est désormais établie, car plus les individus sont pauvres, plus ils seront propices à vivre dans un environnement dit «obésogène»; soit une piètre qualité des aliments industriels, une exposition accrue aux substances chimiques ou encore une consommation augmentée de médicaments. En effet, le panel de choix en matière de produits alimentaires dans les quartiers les plus démunis est extrêmement limité. L’accès aux produits frais est parfois très difficile, voire impossible, notamment dans les «déserts alimentaires», ces zones où les commerces sont absents et où l’offre alimentaire émane principalement de distributeurs, ne proposant que des boissons sucrées ou des paquets de chips, et non pas des fruits, ou encore des légumes frais. L’économiste britannique Kate Pickett démontre bien que les disparités de revenu sont responsables d’un grand nombre de maladies sociales, et que si la pauvreté facilite l’obésité, cette dernière constitue quant à elle un facteur important de paupérisation. Pour ne citer qu’un exemple, les femmes obèses ont deux fois moins de chance d’aller à l’université, et donc d’accéder à une formation nécessaire pour sortir de la pauvreté.

Des changements profonds de notre mode de vie et de nos habitudes

Au-delà du régime alimentaire qui constitue néanmoins la pierre angulaire de l’obésité et du surpoids, nous vivons dans un monde de plus en plus favorable au développement de comportements dangereux pour notre santé. En effet, l’augmentation du poids est directement liée à la baisse très importante, notamment dans les 20 dernières années, de l’activité physique. Ce que l’OMS appelle une épidémie de sédentarité touche principalement les jeunes: 80% des moins de 18 ans pratiqueraient moins d’une heure d’activité physique par jour, seuil minimal fixé pour avoir un développement physique et cognitif complet. Une des causes majeures est l’émergence dans presque tous les foyers ­– peu importe la classe sociale – d’un accès à internet, à la télévision, ainsi que l’utilisation grandissante de tablettes, smartphones, et cela dès le plus jeune âge. Les classes populaires sont les plus touchées par la baisse de l’activité physique, car les revenus des parents ne permettent pas toujours d’accéder à des activités extrascolaires physiques, du moins quand celles-ci sont disponibles.  De plus, la pollution environnementale, accentuée depuis les dix dernières années, serait également une cause de l’obésité car les polluants présents dans l’air dégradent de manière profonde notre santé, en plus d’être stockés par le corps. Ce facteur de risque est, à nouveau, plus important pour les populations les plus précaires. Enfin, le stress, entraîné par des rythmes de vie très denses, est sur le long terme néfaste tant pour la santé psychique que physique. Le manque de sommeil et les préoccupations quotidiennes peuvent entraîner peu à peu une surcharge pondérale, voire de l’obésité. Concernant l’actualité, l’obésité et le surpoids sont à nouveau un enjeu essentiel, puisqu’ils constituent un facteur à haut risque face à la pandémie du Covid-19. En effet, l’obésité entraînant souvent d’autres pathologies qui font partie des facteurs aggravants du Covid-19, elle constitue un facteur de vulnérabilité important. Ainsi, Le Monde révélait que 83% des patient·e·s en réanimation seraient en surpoids selon les données recueillies par le réseau européen de recherche en ventilation artificielle. Finalement, nous faisons face au paradoxe d’une société qui est à la fois obésogène, mais également obésophobe. L’obésité ou le surpoids constituent en effet un marqueur social important, et sont soumis à des préjugés et des discriminations omniprésentes. Les causes de l’obésité étant multifactorielles, il est essentiel que les politiques publiques s’orientent dans un développement social et économique favorisant de meilleures habitudes et préférences alimentaires, en les rendant notamment accessibles aux populations les plus précaires. Cet effort passera tout d’abord à travers des programmes de sensibilisation à l’alimentation menés dans des écoles, l’environnement scolaire des jeunes enfants étant un facteur clé dans la prévention de l’obésité infantile. L’éducation scolaire est essentielle dans leur socialisation, et dans la lutte contre le surpoids elle permettrait de leur apprendre à avoir des réflexes alimentaires plus sains et une meilleure connaissance des causes de l’obésité. •

Alexandra Vittoz

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