Noël au fil des siècles

NOEL · Chaque année, la fête célébrant la naissance de Jésus rassemble plus de 2 milliards de personnes. Malgré une importante sécularisation des sociétés occidentales, Noël est devenu aujourd’hui le folklore le plus célébré au monde. Ce constat interroge ses origines, son évolution et la présence ou l’absence de sa dimension religieuse dans les pratiques contemporaines.
Dans la Bible, il n’existe ni indication de célébration, ni date de la naissance de Jésus. Les premier·ère·s chrétien·n·es ne fêtaient par conséquent pas la naissance de ce dernier. Ce n’est que trois siècles et demi plus tard que sa naissance est célébrée.
Une fête païenne christianisée?
Après de nombreuses disputes au sein de l’Église, c’est au IVe siècle, pendant le règne de Constantin, que la naissance du Christ est fixée au 25 décembre. Le but est alors de christianiser les fêtes païennes du solstice d’hiver, remplaçant des traditions comme les Saturnales, la fête de Yule ou le culte du Soleil invaincu. Au fil de l’histoire, les symboles et les pratiques de cette fête ont évolué d’une manière importante. Pendant le Moyen-Âge, Noël gagne en importance et en festivité, incluant des cérémonies de tous genres, comme des festins accompagnés de musique ou de pièces de théâtre. En raison de son absence dans la Bible, la fête est jugée trop païenne et trop catholique par la Réforme, certaines pratiques sont donc limitées. Par exemple, l’ancêtre du père Noël, le Saint-Nicolas, est violemment rejeté.
Essor d’un rituel familial et commercial
Le Noël comme nous le fêtons aujourd’hui trouve ses origines dans l’Allemagne du début du XIXe. En réaction à la pauvreté croissante des enfants causée par la révolution industrielle, une nouvelle sensibilité se développe autour de ces derniers, portée notamment par le pasteur Friedrich Schleiermacher. Noël devient alors un jour sacré pour la famille où l’on offre des cadeaux aux enfants, dans un contexte bourgeois valorisant les valeurs familiales. Jusque-là fête religieuse, elle évolue en grande réunion familiale, d’abord limitée aux milieux aisés, avec un déplacement progressif au rituel familial folklorique. A la fin du XIXe siècle, les grands magasins saisissent l’opportunité commerciale qu’offre Noël, remplaçant les cadeaux symboliques par des biens de consommation. Cette transformation culmine en 1931, lorsque Coca-Cola popularise une version laïcisée du Père Noël, qui deviendra le meilleur agent commercial que ce monde n’ait jamais connu.
Noël est-il encore religieux?
Dans nos pratiques contemporaines, Noël a largement perdu sa signification religieuse. Mais cela relève d’un changement qui remonte à bien avant la sécularisation: la commercialisation et à la conception moderne et bourgeoise de la famille du XIXe. En Suisse, 22 % de la population se déclarait sans religion en 2017, mais selon Jörg Stolz, sociologue des religions, près de trois quarts des Suisse·sse·s considèrent encore les valeurs chrétiennes comme importantes. La majorité reste affiliée à une église, bien que souvent de manière distante, avec des croyances souvent liées à une nostalgie de l’enfance. Noël conserve ainsi une forte dimension sociale: beaucoup assistent à la messe de minuit, davantage par nostalgie que par foi. En 2023, l’ADEME – l’Agence de la transition écologique – a révélé que 300 millions de cadeaux ont été déposés sous les sapins, dont 12 millions non désirés et 1 million jetés directement. Ces chiffres illustrent le passage de Noël d’une fête religieuse à un événement commercial inspiré du modèle bourgeois du XIXe siècle.