Des plans sur la comète

Rédigé par : Marine Fankhauser

EXPLORATION • Débutée il y a presque septante ans, la conquête spatiale a suscité un enthousiasme planétaire, mais également des convoitises et rivalités entre États. Nouvelle mission sur la Lune, colonisation de Mars… Quels sont les derniers enjeux ?

Pour commencer, deux dates : celle du 4 octobre 1957 et celle du 20 juillet 1969. La première correspond au premier vol orbital par le satellite soviétique Spoutnik 1 et la seconde aux premiers pas sur la Lune par l’américain Neil Armstrong, suivi quelques minutes plus tard de son collègue Buzz Aldrin. À l’époque, en pleine guerre froide, les tensions sont cristallisées entre ces deux pays. La conquête spatiale, à ses tous débuts, suscite alors logiquement la concurrence entre les deux puissances. Un peu plus de soixante ans plus tard, après des années de coopération internationale, la désormais ex-République soviétique a annoncé son intention le 26 juillet dernier de rompre l’alliance autour de la Station Spatiale internationale (ISS) dès 2024 et de lancer sa propre station orbitale. Selon la NASA, la Station spatiale internationale est pourtant « […] le programme d’exploration spatiale le plus complexe sur le plan politique jamais entrepris ». Cette annonce est intervenue alors que la Russie se retrouve de plus en plus isolée face au reste du monde occidental, sept mois après le début de l’invasion de l’Ukraine, débutée le 24 février dernier. De très nombreux pays ont répliqué en infligeant d’énormes sanctions à la Russie, gelant des avoirs détenus à l’étranger et interdisant certaines transactions commerciales. Comme une sensation de déjà-vu.

La Lune à nouveau au centre des enjeux
La NASA a remis au goût du jour l’exploration lunaire avec la mission Artémis. L’objectif ? « Avec les missions Artémis, la NASA fera atterrir la première femme et la première personne de couleur sur la Lune. […] Nous établirons la première présence à long terme sur la Lune. Ensuite, nous utiliserons ce que nous avons appris sur la Lune et autour de la Lune pour faire le prochain pas de géant : envoyer les premiers astronautes sur Mars ». Les équipes ont tenté plusieurs fois début septembre de lancer la première fusée de la mission Artemis-1, non habitée, afin de vérifier qu’elle pourrait accueillir dans le futur des astronautes, mais les décollages ont à chaque fois été reportés pour cause de problèmes techniques. Et le retour des humains sur la Lune ? En 2025 au plus tôt.

« Avec les missions Artémis, la NASA fera atterrir la première femme et la première personne de couleur sur la Lune. »

De là, la NASA souhaite ensuite construire une base lunaire, baptisée Gateway, « portail » en français, qui permettrait alors de développer la technologie nécessaire à un voyage sur Mars. Il s’agirait d’un voyage de plusieurs années qui pourrait avoir lieu « à la fin de la décennie 2030 », selon Bill Nelson, administrateur de la NASA.

Un paradigme modifié
Auparavant, seules les structures étatiques pouvaient intervenir dans le domaine spatial. Depuis quelques années cependant, le vent tourne. Les sociétés privées de multimilliardaires (notamment SpaceX, issu de la volonté d’Elon Musk, ou encore Blue Origin, fondé par Jeff Bezos) multiplient les investissements pour développer une nouvelle ère de la conquête spatiale. Le pari s’avère gagnant : en 2014, la NASA choisit SpaceX pour envoyer des astronautes sur l’ISS avec des lanceurs réutilisables. En 2022, l’agence spatiale américaine prolonge son contrat avec la société jusqu’en 2028. Elon Musk ne cache pas ses ambitions : surpasser la NASA, être le premier à envoyer des hommes sur Mars et à terme, établir une colonie sur la planète rouge.

La voie vers le tourisme spatial est lancée.

Si des sociétés privées parviennent à s’imposer sur le devant de la scène spatiale, ce n’est pas le seul changement. Auparavant uniquement réservé à des astronautes entraîné·e·s, aller dans l’espace ne sera bientôt plus un fantasme pour le commun des mortels. En 2021, Jeff Bezos devient la première personne à franchir la Ligne de Kármán, considérée comme la frontière spatiale, à 100km d’altitude, à l’aide d’un engin développé par sa compagnie. Depuis, quelques vols touristiques ont eu lieu – le prix d’un billet oscillant entre 250’000 dollars et 55 millions de dollars. La voie vers le tourisme spatial est lancée.